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Les stéatopathies métaboliques représentent la cause la plus fréquente de perturbation du bilan hépatique. Il convient de les évoquer devant la mise en évidence d’une stéatose hépatique à l’imagerie, une élévation des transaminases ou une hyperferritinémie chez un patient ayant un terrain métabolique.

Les hépatopathies alcooliques doivent également être dépistées et prises en charge afin de prévenir l’évolution vers une cirrhose et le risque de carcinome hépatocellulaire associé. L’Association française pour l’étude du Foie (AFEF) a publié des recommandations sur le diagnostic et le suivi non-invasif des maladies chroniques du foie en juillet 2020 et a actualisé ses recommandations concernant le diagnostic invasif et non invasif de la fibrose et de la stéatose au cours de la maladie du foie liée à l’alcool, en janvier 2021 (Tableau 1).

Définitions

Les stéatoses hépatiques métaboliques ou stéatopathies métaboliques ou NAFLD (Non-Alcoholic fatty-liver disease) sont définies par un continuum de lésions hépatiques liées à l’insulinorésistance et à l’inflammation métabolique, et sont associées à un surpoids ou une obésité. Elles sont classiquement observées chez des sujets consommant moins de trois (ou trois) verres de boissons alcoolisées par jour chez l’homme et moins de deux (ou deux) verres de boissons alcoolisées par jour chez la femme.

Les maladies du foie liées à l’alcool ou hépatopathies alcooliques sont également caractérisées par un continuum de lésions hépatiques, liées, dans ce cas, à une prise chronique excessive d’alcool (mésusage). Le seuil de dangerosité est variable d’un individu à l’autre, mais observé au-delà de trois verres de boissons alcoolisées par jour chez l’homme et de deux verres de boissons alcoolisées par jour chez la femme.

Épidémiologie

Les NAFLD sont définies par la présence d’une stéatose hépatique en dehors de toute consommation excessive d’alcool, de traitement stéatogène ou d’une autre cause de maladie hépatique chronique.

Dans 80 % des cas, il s’agit d’une stéatose hépatique isolée, bénigne. Mais environ 20 % des patients atteints de NAFLD présentent également des lésions des cellules hépatiques ainsi qu’une inflammation, définissant la stéatohépatite non alcoolique ou NASH (Non-Alcoholic SteatoHepatitis), et parmi ces 10 %, 10 % développeront une cirrhose.

En France, on estime qu’environ 30 à 50 % des personnes sont en surpoids et 15 %, obèses. Les NAFLD représentent la première cause de maladie chronique du foie. Elles toucheraient 18 à 25 % de la population générale et la NASH, environ 3% (0,5 % à un stade de fibrose avancé).

De la même façon, chez les patients atteints d’hépatopathie alcoolique, 70 à 80 % sont vus en consultation au stade de stéatose simple (Alcoholic Fatty Liver – AFL) ; 20 à 30 % sont atteints de stéatohépatite alcoolique (Alcoholic SteatoHepatitis – ASH), avec lésions et inflammation hépatiques associées.

Le mésusage de l’alcool concerne 20 à 25 % de la population ; environ 18 % souffriraient de stéatose alcoolique (1 % à un stade avancé de stéatohépatite ou cirrhose alcoolique).

Histoire naturelle

L’histoire naturelle des stéatoses hépatiques alcooliques ou métaboliques est proche : elles évoluent d’une stéatose simple à la cirrhose (F4), en passant par la stéatohépatite et la fibrose (F1 à F3). Toutefois, les patients atteints de stéatoses hépatiques métaboliques décèdent plus souvent de causes cardiovasculaires et de cancers extra-hépatiques, compte tenu du contexte métabolique prédominant. Ceux atteints d’hépatite alcoolique sévère décèdent plus de cancers, morts violentes ou infections.

Les facteurs de risque sont, pour les stéatoses hépatiques métaboliques, des apports caloriques excessifs et déséquilibrés, un manque d’activité physique, une sédentarité ; pour les maladies du foie liées à l’alcool, un trouble de l’usage de l’alcool dont la toxicité est hépatique directe, mais aussi multisystémique. Des facteurs génétiques ont également été décrits (différents polymorphismes impliqués). Enfin, une dérégulation de l’axe foie-intestin avec modification du microbiote intestinal associée à une modification de la perméabilité intestinale semble également commune aux deux pathologies.

Signes diagnostiques évocateurs et prise en charge

Tableau 1. Signes diagnostiques évocateurs et prise en charge.

Stéatoses hépatiques métaboliquesMaladies du foie liées à l’alcool
 Points d’appel majeurs :
augmentation des gamma glutamyl transférases (GGT), de la ferritine, des triglycérides
Stéatose hépatique échographique
 Cytolyse hépatique
ALAT > ASATASAT > ALAT
 Examen clinique, interrogatoire
Histoire pondérale : indice de masse corporelle (IMC) et tour de taille augmentés, hypertension artérielleConsommation alcoolique chronique, signes physiques d’intoxication alcoolique chronique, CDT et VGM augmentés
 Manifestations extra-hépatiques

Fatigue, anxiété, dépression

Syndrome d’apnée/hypopnée du sommeil

Hypothyroïdie
Complications cardio-vasculaires (première cause de mortalité chez les patients non-cirrhotiques), diabète de type 2, atteinte rénale

Cancers : colon, sein, foie (deuxième cause de mortalité chez les patients non-cirrhotiques)

Troubles psychiatriques, addiction, anxio-dépression, suicide, troubles neurologiques centraux et périphériques, troubles sociaux, violence

Cardiopathie alcoolique

Pancréatite aiguë/chronique, diabète secondaire

Néphropathie à IgA

Cancers : voies aérodigestives supérieures, sein, colon

 Évaluation non invasive de la fibrose hépatique

Élastométrie hépatique : FibroScan®, ARFI, IRM, …

Tests sanguins brevetés : Fibrotest®, Fibromètre®, ELF®, …

Tests sanguins « libres » : FIB-4, NAFLD Fibrosis score

Élastométrie hépatique : FibroScan®

Tests sanguins brevetés : Fibrotest®, Fibromètre®

Alcool (seuils diagnostiques établis en fonction des valeurs d’ASAT et de bilirubine)

Test sanguin « libre » : FIB-4

 Traitement de la cause

Perte de poids : règles hygiéno-diététiques

Chirurgie bariatrique, endoscopie bariatrique ?

Traitement optimal d’un diabète de type 2 et des anomalies métaboliques

Arrêt de la consommation d’alcool

Prise en charge addictologique, psychologique, psychiatrique

Médicaments réduisant la prise d’alcool

 Prise en charge présente et future, prévention des récidives

Traitements spécifiques (à venir) ciblant le métabolisme, l’inflammation, le stress/la mort cellulaire, la fibrose, l’axe foie-intestin

Modulation du microbiote intestinal (à venir) : pré-, pro-, syn-, anti- biotiques, transplantation fécale ?

Prise en charge des complications de la cirrhose : hypertension portale, carcinome hépatocellulaire

Traitement de l’insuffisance hépatocellulaire

Transplantation hépatique

Essais thérapeutiques en cours : agonistes FXR, agonistes TRHb, agonistes GLP1 ± GIP ± glucagon, agonistes PPAR,…

Risque de récidive de la NASH : transplantation hépatique

Corticothérapie en cas d’hépatite alcoolique sévère

Transplantation hépatique : risque de récidive de l’alcoolisation post-transplantation hépatique

ALAT : Alanine aminotransférase, ASAT : Aspartate aminotransférase, IRM : imagerie par résonance magnétique, NASH : Non-Alcoholic SteatoHepatitis, FIB-4 : Fibrosis-4 index

Dépistage des maladies chroniques du foie : intérêt du FIB-4

Tout médecin qui prend en charge un patient ayant au moins un facteur de risque de stéatose hépatique, devrait, a minima, prescrire une échographie hépatique et un bilan biologique avec calcul du FIB-4 (Fibrosis-4 index).

Le FIB-4 est un test de dépistage de la fibrose hépatique, calculé à partir de la numération plaquettaire, de l’âge du patient et des transaminases, disponible sur internet et gratuit [3].

Un index FIB-4 < 1,45 élimine le diagnostic de cirrhose avec une valeur prédictive négative de 90 % ;
Un index FIB-4 > 3,25 est en faveur de ce diagnostic (valeur prédictive positive de 65 %) [http://sdbio.eu/images/stories/3_DOCS_SDB/sdb_%20fib-4F_ok.pdf].

Au même titre que figure sur les comptes rendus de laboratoire, le calcul du débit de filtration, devrait être rendu le FIB-4, pour tout adulte chez qui une numération plaquettaire et un dosage des transaminases sont demandés [Communication de Rodolphe Anty (CHU Nice), lors du forum du foie Siemens Healthcare, 3 septembre 2020].

Conclusion

Les stéatoses hépatiques métaboliques et les maladies du foie liées à l’alcool sont des pathologies fréquentes, associées à une morbi-mortalité hépatique et extra-hépatique significative. Elles possèdent des éléments communs et des points divergents dans leur physiopathologie et leur prise en charge avec des améliorations cruciales dans leur parcours de soins, notamment avec les tests non-invasifs d’évaluation de la fibrose hépatique et dans leurs innovations thérapeutiques.