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L’ANSM a récemment publié un point d’information rappelant la survenue d’effets indésirables graves liés à un déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) lors de traitement par fluoropyrimidines (5-fluorouracile et sa prodrogue orale, la capécitabine).

Depuis 2015, le laboratoire Eurofins Biomnis propose, en collaboration avec la société ODPM, une évaluation de ce risque toxique, dans le cadre d’une médecine personnalisée.

Le 5-Fluorouracile (5-FU), médicament anticancéreux antimétabolite connu depuis 1957, est une fluoropyrimidine (analogue des bases pyrimidiques) qui entre dans la composition de 60 % des chimiothérapies des tumeurs solides.

Les fluoropyrimidines sont très largement utilisées dans les cancers digestifs (en particulier cancer colorectal métastatique ou en situation adjuvante), les cancers ORL et les cancers du sein. Le 5-FU est combiné à l’acide folinique qui intensifie son pouvoir cytotoxique ; il peut être administré avec ou sans bolus préalablement à une perfusion continue d’une durée de 46, 96 ou 120 heures. Le 5-FU ou la capécitabine peuvent être prescrits seuls ou associés à d’autres molécules, selon les protocoles. Ainsi, les cancers colorectaux peuvent être traités par le 5-FU et l’irinotécan et/ou l’oxaliplatine et/ou des thérapies ciblées (cétuximab, panitumumab) ; le traitement du cancer du sein peut utiliser le protocole FEC (56FU/épirubicine/cyclophosphamide) ou la capécitabine seule ; celui des cancers ORL inclut souvent le cisplatine.

Le 5-FU et la capécitabine induisent des toxicités sévères (grades 3-4) chez 10 à 40 % des patients selon les protocoles, et des toxicités létales chez 0,2 à 0,8 % d’entre eux. Le bolus est en général à l’origine de toxicité hématologique, alors que les perfusions prolongées sont responsables d’une toxicité digestive (diarrhée) ou d’un syndrome main-pied (SMP).

La survenue d’une telle toxicité est liée à un déficit en dihydropyrimidine deshydrogénase (DPD). Cette enzyme du métabolisme des fluoropyrimidines assure leur élimination de l’organisme en transformant le 5-FU en dihydro-5-FU peu actif ; à l’état physiologique, la DPD transforme les bases pyrimidiques naturelles : uracile, thymine, en leurs dérivés dihydrogénés : dihydrouracile, dihydrothymine. L’activité de la DPD présente une très grande variabilité interindividuelle expliquée en partie par un polymorphisme génétique. Les déficits en DPD complets sont rares (0,1 à 0,5 % de la population générale) ; les déficits partiels sont plus fréquents, atteignant entre 3 et 10 % des sujets au sein de la population caucasienne.

Pour la recherche du déficit en DPD, Eurofins Biomnis, à la suite d’ODPM, a choisi de combiner deux approches complémentaires :

  • phénotypique (grande sensibilité, plus faible spécificité)
  • génotypique (excellente spécificité, plus faible sensibilité).

L’étude phénotypique repose sur les dosages sanguins par UPLC (chromatographie liquide ultra performance) de l’uracile et du dihydrouracile.

L’exploration génotypique recherche quatre variants du gène de la DPD (DPYD) : *2A (c.1905+1G>A, rs3918290), p.D949V (c.2846A>T, rs67376798), *13 (c.1679T>G, p.I560S, rs55886062) (retrouvés respectivement chez 0,9-1,5 %, 1,1-1,5 % et 0,1-0,2 % des Caucasiens), ainsi que c.delTCAT (rs72549309).

Les résultats de ces explorations biologiques (réalisées avant toute chimiothérapie ou éventuellement à distance d’au moins une semaine de la dernière cure à base de fluoropyrimidine) sont couplés à certaines caractéristiques du patient : paramètres physiologiques (poids, taille) et physiopathologiques (tumeur, type et grade de toxicité antérieure, protocole de chimiothérapie, radiothérapie éventuelle), pour être traités par un algorithme, 5FUODPMTox TM, validé par l’expérience de l’Institut de Cancérologie de l’Ouest, sur plus de 20 000 patients.

Plus de 90 % des patients déficitaires partiels et 100 % des déficitaires totaux peuvent ainsi être détectés. Outre l’évaluation du risque toxique individuel, le calculateur SEu ODPM Tox évalue et propose la dose de fluoropyrimidine la plus adaptée au patient, pour la prochaine cure de chimiothérapie.

La stratégie de dépistage du risque lié aux fluopyrimidines permet à la fois d’éviter les toxicités, en particulier sévères, des fluoropyrimidines et d’optimiser la stratégie thérapeutique, dans le cadre d’une médecine personnalisée.


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