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Polycythemia vera (maladie de vaquez), thrombocytemie essentielle et myelofibrose primitive

Les NMP sont des hémopathies chroniques touchant la lignée myéloïde. L’anomalie initiale est une anomalie clonale acquise de la cellule souche hématopoïétique qui entraîne une prolifération de précurseurs myéloïdes d’une ou plusieurs lignées avec différenciation et maturation complète des cellules.

La classification distingue selon la lignée touchée la leucémie myéloïde chronique (LMC), la maladie de Vaquez (Polycythemia Vera ou PV), la thrombocytémie essentielle (TE), la myélofibrose primitive (MFP) et d’autres NMP plus rares : leucémie chronique à neutrophiles, leucémie chronique à éosinophiles, mastocytoses, NMP non classables.

Réf : Swerdlow SH, Campo E, Harris NL, Jaffe ES, Pileri SA, Stein H, Thiele J. WHO Classification of Tumours of Haematopoietic and Lymphoid Tissues (Revised 4th edition) IARC Lyon 2017.

Après avoir évoqué le mois dernier la LMC et la leucémie chronique à neutrophiles, nous détaillons ici la PV, la TE et la MFP.

1-POLYCYTHEMIA VERA (PV) : MALADIE DE VAQUEZ

Une polyglobulie est une augmentation du taux d’hématocrite et de la concentration en hémoglobine.

1.1- Que faire devant une polyglobulie ?

Evoquer en premier lieu une « fausse » polyglobulie :

  • par diminution du volume du plasma (déshydratations, brûlures…),
  • par anomalie des globules rouges (GR) (thalassémies),

Puis, il convient d’éliminer une polyglobulie « vraie » secondaire :

  • liée le plus souvent à une hypoxie tissulaire chronique : tabagisme (HbCO > 3 % sur les gaz du sang), BPCO, insuffisance respiratoire, apnée du sommeil, séjour en haute altitude,…)
  • ou à une hypersécrétion d’érythropoïétine : dans un contexte de tumeur rénale ou de sténose des artères rénales (doser l’érythropoïétine sérique),
  • dans de rares cas, à certains types particuliers d’Hb : Hb hyperaffine pour O2 qui mime l’hypoxie (demander une électrophorèse de l’hémoglobine).

Les polyglobulies vraies primitives (= polyglobulie de Vaquez) sont sans cause réactionnelle identifiable expliquant l’augmentation de production de GR. Cette production excessive de GR par la moelle est maligne, indépendante de l’EPO.

1.2- Dans quel contexte suspecter une polyglobulie de Vaquez ?

La polyglobulie de Vaquez est souvent découverte de manière fortuite sur une NFS ou devant des symptômes peu spécifiques : érythrose de la face (peau et muqueuses) et des paumes, splénomégalie (fréquente), parfois hépatomégalie, signes neurologiques (céphalées, vertiges, paresthésies, fourmillements, bourdonnements d’oreille…), érythromélalgie (douleur des orteils), thromboses, crises de goutte.

Après avoir éliminé les fausses polyglobulies et les polyglobulies secondaires, le diagnostic de polyglobulie de Vaquez est évoqué chez l’adulte, avec une médiane d’âge de 65 ans, un peu plus souvent chez les hommes que chez les femmes (R = 1,3). L’incidence est de 2 à 3 nouveaux cas / 100 000 habitants / an.

1.3- Sur quels critères confirmer le diagnostic de PV ?

Les critères diagnostiques de l’OMS 2017 sont M1 + M2 + M3 ou M1 + M3 + m si Hb > 18,5 g/dL (ou Hte > 55,5 %) chez l’homme ou si Hb > 16,5 g/dL (Hte > 49,5%) chez la femme.

 Critères diagnostiques de la PV
Critères majeurs (M)
M1 : Hémoglobine (Hb), hématocrite (Hte)

Homme

Hb > 16,5 g/dl ou

Hte > 49% ou

masse sanguine augmentée (> 25 % au-delà de la valeur normale attendue)

Femme

Hb > 16 g/dl ou

Hte > 48% ou

masse sanguine augmentée (> 25 % au-delà de la valeur normale attendue)

M2 : biopsie ostéomédullaireHypercellularité pour l’âge avec prolifération excessive des 3 lignées myéloïdes (panmyélose)
M3 : mutation JAK2V617F (exon 14) ou exon 12
Critère mineur (m)
EPO sériqueDosage sérique normal ou subnormal

1.4- Quels examens biologiques prescrire et qu’en attendre ?

Une NFS-plaquettes en première intention, un dosage d’érythropoïétine sérique, puis un myélogramme (ou une biopsie ostéomédullaire BOM) avec examen cytologique médullaire, réalisation d’un caryotype médullaire et examens de biologie moléculaire à la recherche des mutations JAK2 V617F (exons 14 et 12), puis CALR et MPL ou un panel NGS « NMP-Diagnostic ».

Pour tout diagnostic et/ou établissement du pronostic d’une hémopathie maligne, les données d’hématologie cellulaire, d’histologie (biopsie ostéomédullaire), de cytogénétique et de biologie moléculaire doivent être confrontées.

Dans la polyglobulie de Vaquez, les résultats sont :

  • NFS-plaquettes : augmentation des 3 lignées, surtout marquée sur la lignée rouge. Les constantes érythrocytaires (CCMH, TCMH, VGM) sont normales et il n’y a pas d’anomalies morphologiques des GR. Les GB sont souvent entre 10 G/L et 20 G/L (formule riche en PNN, quelques précurseurs granuleux). Les plaquettes sont généralement voisines de 400-500 G/L.
  • Le myélogramme est généralement peu contributif. La BOM, si elle est effectuée, montre une moelle très riche avec hyperplasie globale (lignée érythroblastique prédominante, évaluation de la fibrose).
  • Le caryotype médullaire doit être réalisé : il peut être normal ou montrer des anomalies clonales non spécifiques : +8, +9, del(9p), del(13q), del(20q), dup(1q), etc….
  • Biologie moléculaire : indispensable, elle a révolutionné le diagnostic de polyglobulie de Vaquez. L’analyse peut être effectuée sur sang ou moelle osseuse.
    • Mutation JAK2 V617F dans l’exon 14 de JAK2 : positive dans 96% des cas (souvent, fraction allélique mutée > 50%) ;
    • Mutation JAK2 exon 12 : 2% des cas ;
    • Absence de mutation CALR et MPL.

Dans moins de 2% des cas, il n’est pas observé de mutation dans le gène JAK2.

Apport du NGS dans la PV

La recherche de mutation JAK2 V617F est classiquement effectuée par PCR ciblée (avec ou sans quantification).

L’approche NGS permet de réaliser en une seule technique l’analyse complète du gène JAK2 avec, en particulier, l’analyse des exons 12 et 14.

Certaines anomalies supplémentaires détectées en NGS ont une valeur pronostique, en particulier la mutation SRFS2 associée à une évolution défavorable (vers une myélofibrose primitive ou une leucémie aiguë.
L’apport des panels NGS est schématisé sur la figure 1.

Conseils de prescription devant une suspicion de NMP ou un suivi de NMP

1.5- Quelle est l’évolution de la maladie et quel en est le traitement ?

La polyglobulie de Vaquez est une pathologie chronique, dont la médiane de survie est de l’ordre de 15 ans. Les risques immédiats sont thrombotiques (par hyperviscosité) ou hémorragiques, et la survenue de crises de goutte.

La maladie évolue en myélofibrose primitive associée à une insuffisance médullaire dans 10% des cas à 10 ans, ou en leucémie aiguë myéloïde dans 1 à 2% des cas (de mauvais pronostic) à long terme (N Engl J Med. 2018 Oct).

La prise en charge thérapeutique repose sur la pratique de saignées associées à un traitement antiagrégant plaquettaire dans l’urgence.

Le traitement de fond repose en première ligne sur l’hydroxyurée (Hydrea®) et en deuxième ligne sur le pipobroman (Vercyte®) ou le ruxolitinib (Jakavi®). L’interféron α peut être utilisé en alternative.

2-THROMBOCYTEMIE ESSENTIELLE

2.1- Dans quel contexte suspecter une thrombocytémie essentielle ?

La maladie, dont l’incidence est de 1,5 à 2,5 cas/100 000 habitants/an, survient chez l’adulte de 50-60 ans ou plus jeune (30 ans, surtout chez la femme). Dans 2/3 des cas, elle est asymptomatique (découverte fortuite à la NFS devant une thrombocytose importante) et dans 1/3 des cas, elle se manifeste par des signes hémorragiques ou thrombotiques (parfois des microthrombi à l’origine de céphalées, ischémie des extrémités…) ; une splénomégalie peut être observée, plutôt modérée.

2.2- Sur quels critères est établi le diagnostic de TE ?

Sur les critères de l’OMS 2017 qui précise que le diagnostic de TE est posé en présence de 4 critères majeurs ou à défaut les 3 premiers et le critère mineur.

Critères MAJEURS

  • Numération plaquettaire > 450 G/L (confirmée à un mois d’intervalle) ;
  • BOM montrant une prolifération principalement de la lignée mégacaryocytaire avec un nombre augmenté de grands mégacaryocytes matures au noyau hyperlobé. Pas d’augmentation significative ou de hiatus dans la lignée granulocytaire ou érythroblastique et absence ou rare augmentation des fibres de réticuline ;
  • Exclusion d’une LMC Phi+, d’une PV, d’une MFP, d’un SMD ou d’une autre néoplasie myéloïde ;
  • Présence d’une mutation JAK2, CALR ou MPL.

Critère MINEUR

Présence d’un marqueur clonal ou absence de signe en faveur d’une thrombocytose réactionnelle.

2.3- Quels examens biologiques prescrire et qu’en attendre ?

Une NFS-plaquettes en première intention (renouvelée à 1 mois d’intervalle), puis un myélogramme (ou une BOM) avec examen cytologique médullaire, réalisation d’un caryotype médullaire et examens de biologie moléculaire à la recherche des mutations JAK2 V617F (exons 14 et 12), CALR et MPL ou un panel NGS « NMP-Diagnostic ».

Les résultats attendus dans la TE sont :

  • Sur la NFS, les plaquettes sont > 450 G/L (vérifiées sur 2 examens à 1 mois d’intervalle), voire > 1000 G/L dans la moitié des cas (en l’absence d’autre cause de thrombocytose : syndrome inflammatoire, carence en fer). Sur le frottis sanguin, il convient de rechercher des plaquettes géantes ou des fragments de mégacaryocytes.
  • Le myélogramme est important dans la TE, car il permet d’évoquer d’autres diagnostics différentiels comme une LMC. La moelle est de richesse normale ou augmentée, avec une augmentation du nombre de mégacaryocytes et parfois quelques éléments de taille géante avec un noyau hypersegmenté, sans anomalie quantitative ou qualitative des autres lignées.
  • Sur la BOM, la cellularité médullaire est normale ou augmentée avec de rares adipocytes. Les mégacaryocytes sont nombreux (taille augmentée et noyau multilobé avec aspect en « ramure de cerf »), dispersés ou parfois regroupés en petits amas. Surtout, il n’y a pas de fibrose.

Cytogénétique : le caryotype médullaire doit être fait pour :

  • éliminer une translocation t(9;22)(q34;q11) qui signerait une LMC à présentation thrombocytémique ;
  • éliminer un syndrome myélodisplasique 5q- (délétion EGR1) ;
  • identifier des anomalies clonales non spécifiques, retrouvées dans 5 à 10% des cas (+8, +9, del(20q)).

La biologie moléculaire est indispensable
La recherche de mutations a révolutionné le diagnostic de TE. En effet, celui-ci est confirmé par la biologie moléculaire qui permet de retrouver :

  • la mutation JAK2 V617F (exon 14) dans 50 à 60% des cas (souvent la fraction allélique mutée est inférieure à 50%) ou une mutation dans l’exon 12 de JAK2 (< 5 % des cas) – à noter, une association JAK2 muté et thromboses ;
  • une mutation dans le gène CALR, dans 25% des cas. Le type de mutation CALR doit être précisé car il existe une valeur pronostique (CALR type 1 : risque plus élevé de transformation en MF ; type 2 associé à une thrombocytose plus marquée, sans augmentation du risque thrombotique et avec un meilleur pronostic)  ;
  • une mutation MPL dans 5% des cas.
    15% des TE ne présentent pas de mutations JAK2/CALR/MPL (triples négatifs).

2.4- Quels sont les diagnostics différentiels ?

  • Thrombocytoses réactionnelles (post-chirurgie, infection, inflammation, carence en fer, hémolyse,…) ;
  • Thrombocytoses associées à une hémopathie maligne :
    • LMC forme thrombocytémique (plaquettes rarement >1000 G/L ; prescrire examens biologiques de la LMC) ;
    • PV (plaquettes rarement >600 G/L ; JAK2+) ;
    • MFP (plaquettes parfois >1000 G/L ; fibrose à la BOM) ;
    • SMD avec thrombocytoses : Syndrome 5q- (plaquettes rarement >600 G/L ; examen cytogénétique) ;
    • forme frontière NMP/SMD avec sidéroblastes et thrombocytose (entité OMS 2017 – plaquettes parfois >1000 G/L, gène SF3B1 muté).

Les examens de biologie spécialisée sont indispensables pour différencier ces entités.

2.5- Apport du NGS

L’analyse par NGS est particulièrement intéressante pour le diagnostic de TE car elle permet à la fois une analyse du trio JAK2 « full exon »/CALR/MPL en une seule étape (diagnostic plus rapide, sensibilité de détection pour CALR et MPL) et permet d’exclure l’entité SMD/NMP-avec Sidéroblastes en couronne-Thrombocytose de l’OMS, caractérisée par une mutation sur le gène SF3B1 (associée ou non à une mutation JAK2), ou d’identifier une ou plusieurs autres mutations qui seraient une preuve de clonalité permettant de conforter le diagnostic. Pour rappel, 15% environ des TE sont triple-négatives et l’intérêt du NGS pour ces cas est majeur.

En outre, le NGS peut représenter un intérêt pronostique dans la TE : la présence de mutations dans les gènes du spliceosome (SF3B1, SRSF2 et U2AF1) est associée à un pronostic péjoratif et les mutations dans le gène TP53 sont prédictifs d’acutisation en LA. Une donnée bibliographique récente suggère l’effet salutaire des mutations des gènes ASXL1, RUNX1 et EZH2 sur le risque de thrombose artérielle.

2.6- Quelle est l’évolution de la maladie et quel en est le traitement ?

Quel que soit le nombre de plaquettes, il existe un risque de thrombose ; le risque hémorragique est quant à lui, corrélé au nombre de plaquettes (+++ si > 1 500 G/L).

Le risque d’évolution d’une TE en myélofibrose primitive avec métaplasie myéloïde est de 10% à 10 ans. Le risque d’évolution en SMD/LAM est de 2 à 5% à 10 ans. Ce risque augmente au-delà de 60 ans, lorsque la numération plaquettaire est supérieure à 1500 G/L et en présence de co-morbidités.

Le traitement repose sur une association d’aspirine et/ou d’Hydrea® chez le sujet âgé avec antécédent de thrombose (sinon, aspirine seule) ou d’IFN alpha, avant 40 ans.

3- MYELOFIBROSE PRIMITIVE (MFP)

3.1- Dans quel contexte suspecter une myélofibrose primitive ?

C’est une maladie rare (1 cas/100 000 habitants/an), atteignant classiquement l’adulte de 60 ans.

A un stade précoce, la maladie peut être découverte de manière fortuite devant une anomalie de l’hémogramme. Le plus souvent, il existe une splénomégalie importante (dans plus de 90% des cas), une hépatomégalie (dans 50% des cas) et, de manière variable, des symptômes cliniques liés aux cytopénies : anémie, saignements (25%), infections (plus rarement). Dans 30% des cas, il existe des symptômes généraux : perte de poids, fatigue, fièvre, sueurs nocturnes, douleurs osseuses…

La myélofibrose débute par un stade préfibrotique puis fibrotique et peut enfin se transformer en LAM.

Le traitement, allogreffe ou abstention, nécessite de disposer de marqueurs pronostiques robustes.

3.2- Sur quels critères confirmer le diagnostic de MFP ?

L’OMS en 2017 a distingué les critères diagnostiques de stade préfibrotique ou précoce (pré-MFP) et ceux de stade fibrotique (MFP).

Critères diagnostiques MFP OMS 2017

Stade préfibrotique/précoce = Pré MFP

Critères diagnostiques MFP OMS 2017

Stade MFP

 

3.3- Quels examens biologiques prescrire ?

Une NFS-plaquettes en première intention (renouvelée à 1 mois d’intervalle), puis un myélogramme ou, de préférence, une BOM) avec examen cytologique médullaire, un caryotype sanguin et des examens de biologie moléculaire à la recherche des mutations JAK2 V617F (exons 14 et 12), CALR et MPL ou un panel NGS « NMP-Diagnostic ». Ces examens sont indispensables pour confirmer le diagnostic et établir les facteurs pronostiques qui vont conditionner la prise en charge.

Dans la MFP :

  • l’hémogramme est variable (non spécifique). Il montre généralement :
    • une anémie normochrome normocytaire (réticulocytes normaux ou légèrement augmentés) due à une hématopoïèse diminuée, une séquestration splénique, voire une hémolyse ;
    • une leucocytose variable : GB augmentés (> 100 G/L, surtout à PNN) dans plus de 50% des cas, normaux dans 25% des cas et diminués (leucopénie) dans 25% des cas.
    • les plaquettes sont également variables : > 400 G/L dans 30% des cas, normales dans 55% des cas ou < 100 G/L dans 15% des cas.
    • Sur le frottis sanguin, il existe de nombreuses anomalies, non spécifiques :
      • myélémie modérée (5-15%) avec éventuellement, de rares blastes ;
      • érythroblastes (2 – 20%), dont la présence est liée à l’érythropoïèse extra-médullaire ;
      • anomalies importantes des GR : anisocytose, dacryocytes (fibrose), ponctuations basophiles +/- anneaux de Cabot ;
      • anomalies des plaquettes : macroplaquettes hypo- ou dégranulées, micromégacaryocytes ou noyaux nus de mégacaryocytes circulants.
  • Le myélogramme (peu informatif) est d’aspiration difficile (fibrose), souvent pauvre. Il montre la présence de dacryocytes, d’érythroblastes (plus ou moins en îlots), de micromégacaryocytes et de grands mégacaryocytes à gros noyau.
  • La BOM est indispensable : elle retrouve les anomalies mégacaryocytaires et permet d’évaluer la fibrose de réticuline (coloration argentique) et de collagène (trichrome). Elle permet aussi de faire le diagnostic différentiel avec la TE et les autres NMP (survie globale et thérapeutique différentes).
  • La cytogénétique
    Le caryotype doit être réalisé sur sang périphérique (et non sur moelle car, la fibrose provoque de nombreux échecs de culture), pour éliminer une LMC (translocation t(9;22)(q34; q11)) et rechercher des anomalies clonales non spécifiques, mais ayant une valeur pronostique (retrouvées dans 30% des cas)  :

    • caryotype normal / +9 / del(13q) / del(20q) : plutôt de bon pronostic ;
    • inv(3) / -7 / i(17q) / +21 / +19 / del(12p) / del(11q) / caryotype complexe : pronostic péjoratif.

Réf : Tefferi A. Primary myelofibrosis: 2021 update on diagnosis, risk-stratification and management. Am J Haematol, 2021 ;96(1)145-62.

  • La biologie moléculaire est indispensable
    • la mutation JAK2 V617F (exon 14) est retrouvée dans 50 à 60% des cas ;
    • une mutation sur le gène CALR, dans 30% des cas. Le meilleur pronostic des mutations de CALR dans la MFP semble restreint aux mutations de type 1 (ou type 1-like) ;
    • une mutation MPL, dans 5 à 10% des cas.
      En l’absence de mutations JAK2/CALR/MPL (10% des cas), il est recommandé de réaliser un panel NGS pour rechercher d’autres mutations (ASXL1, EZH2, TET2, IDH1/IDH2, SRSF2, SF3B1 …).
      Le panel élargi permet en outre la gradation pronostique de la myélofibrose (scores GIPSS, MIPSS70 et MIPSS70+ 2.0 notamment).

3.4- Quelle est l’évolution de la maladie ?

La myélofibrose débute par un stade préfibrotique puis fibrotique et peut enfin se transformer en LAM.

L’évolution est plus ou moins rapide du stade pré-fibrotique jusqu’au stade fibrotique avec diminution de l’hémoglobine (Hb) et des plaquettes, augmentation de la splénomégalie, des LDH, une érythromyélémie et la présence de blastes.
Les complications sont principalement infectieuses et hémorragiques ; elles peuvent également être liées à l’hépatosplénomégalie ou aux transfusions (hémochromatose).

En phase accélérée, les blastes sanguins augmentent (5% des cas) ou la maladie se transforme en LAM (10-15% des cas).

Il convient d’être attentif à une altération de l’état général ou une aggravation de l’hémogramme.

A noter : 5 à 15% des TE et 30% des PV évoluent vers un tableau de MFP après 10 – 15 ans.

3.5- Quels sont les diagnostics différentiels ?

  • Avec les autres NMP
    • TE s’il existe une thrombocytose, mais il n’y a pas ou peu de splénomégalie et pas de fibrose dans la TE.
    • LMC s’il existe une hyperleucocytose et une myélémie, mais il n’y a pas d’érythroblastes ni de dacryocytes dans la LMC au cours de laquelle, en revanche, sont retrouvés le transcrit BCR-ABL et une basophilie.
    • Vaquez si l’Hb est élevée, mais elle est plus élevée dans le Vaquez et la splénomégalie est moindre.
  • Avec les autres causes de myélofibrose
    • Leucémie à tricholeucocytes : pas de blastes ni de myélémie, mais présence de tricholeucocytes
    • Autres lymphomes
    • Parfois avec une leucémie aiguë leucopénique
    • Ou un SMD avec fibrose, mais absence de splénomégalie et présence d’une dysmyélopoïèse.
  • Autres pathologies avec anomalies osseuses
    • Métastases, remaniements osseux métaboliques.

3.6- Quelle est l’apport du NGS dans la MFP ?

L’intérêt diagnostique du NGS pour le diagnostic de MFP est de rechercher en une seule étape les mutations du trio JAK2/CALR/MPL et de rechercher, en cas de négativité, d’autres mutations afin de caractériser les triples négatifs.

Sur un plan pronostique, un panel NGS peut précisément aider le clinicien entre une décision d’allogreffe et une simple surveillance clinico-biologique par le calcul des scores MIPSS70+ (statut des gènes CALR type 1/1-like, ASXL1, SRSF2, EZH2, IDH1 et IDH2) ou GIPSS (statut des gènes CALR type1/1-like, ASXL1, SRSF2 et U2AF1).

D’autres gènes présentent également un intérêt pronostique dans la MFP (TP53, CBL, NRAS ou KRAS). Enfin, les mutations dans les gènes RAS et CBL peuvent être prédictives d’une résistance aux inhibiteurs de JAK2.

3.7- Quel est le traitement ?

En l’absence de facteur de risque péjoratif, l’abstention thérapeutique est la règle, avec une surveillance clinico-biologique régulière.

En présence de facteurs pronostiques péjoratifs, une allogreffe peut être proposée, en particulier pour les patients jeunes. Si l’allogreffe n’est pas envisageable, les alternatives thérapeutiques sont la prescription d’Hydrea® ou d’inhibiteurs de JAK2, parfois la splénectomie.