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Pictogramme horloge Juin 2022

Circonstances de découverte et présentation clinique

Les circonstances de découverte d’un syndrome myélodysplasique sont diverses : découverte de cytopénie(s) sur l’hémogramme, consultation pour asthénie, problèmes infectieux, problèmes hémorragiques, consultation pour syndrome tumoral, exploration de maladie dysimmunitaire (polychondrite atrophiante, polyarthrite séronégative, dermatoses neutrophiliques (syndrome de Sweet)).

Dans un tiers des cas, la maladie est asymptomatique et de découverte fortuite sur une numération formule sanguine (NFS) systématique qui retrouve une ou plusieurs cytopénies. L’anémie est la plus fréquente ; elle est normo ou macrocytaire et arégénérative.

Lorsqu’elle est symptomatique, la clinique est pauvre, comportant une asthénie et des signes secondaires aux cytopénies. Des manifestations auto-immunes sont observées dans 20 % des cas. Il n’y a pas d’organomégalie.

Le syndrome 5q- atteint principalement les femmes (3/1) après 60 ans ; il représente environ 3 % des cas de l’ensemble des SMD. Caractérisé par une anémie macrocytaire, une neutropénie modérée et une numération de plaquettes normale ou une légère thrombocytose, son diagnostic est cytologique (présence de manière caractéristique de mégacaryocytes avec un noyau hypolobé ou non lobé et < 5 % de blastes dans la moelle) et cytogénétique. Il est de bon pronostic avec une médiane de survie de 116 mois.

Bilan diagnostique et pronostique

Dans un contexte évocateur et devant la découverte de cytopénie(s), outre l’anamnèse (exposition aux toxiques ? radiations ?) et l’examen clinique, il convient dans un premier temps d’exclure les autres causes de cytopénies ; pour cela, réaliser un bilan martial, un bilan inflammatoire, un bilan d’hémolyse, des dosages de vitamines B9, B12 (avant transfusion !), un bilan rénal, etc.

Les examens obligatoires en cas de suspicion de SMD sont une NFS, un myélogramme et un caryotype médullaire (+/- une FISH).

 Cytologie sanguine et médullaire

– Les cytopénies sont évaluées sur la NFS : anémie : Hb < 10,0 g/dL, neutropénie : PNN < 1,8 G/L, thrombopénie : Plaquettes < 100 G/L.

– Le myélogramme est indispensable pour poser le diagnostic de SMD et pratiquer les examens complémentaires : phénotypage, caryotype, étude moléculaire.

La moelle est de cellularité normale ou augmentée, avec des anomalies morphologiques touchant une ou plusieurs lignées et un pourcentage de blastes variable.

  • Evaluer la dysplasie

Le terme dysplasie est utilisé si :

* plus de 10 % des cellules de la lignée sont dystrophiques ;

* présence d’au moins 15 % de sidéroblastes en couronne (coloration de Perls) ou d’au moins 5 % s’il existe une mutation de SF3B1 (révision 2017 de la classification des SMD).

Attention, une dysplasie peut être observée dans d’autres circonstances que les SMD : infection à VIH, traitement par mycophénolate mofetil ou Cellcept® (PNN dégranulés), traitement par azathioprine ou Imurel® (dysplasie mégacaryocytaire), carences en vitamine B12.

* Dysérythropoïèse : dans le sang, il existe une anisocytose, une poïkilocytose, une anisochromie avec parfois une double population d’hématies normochromes et hypochromes, et des érythroblastes circulants. Ces anomalies, assez fréquentes, ne sont pas spécifiques des SMD. DIA 4

* Dysgranulopoïèse : plus spécifique, elle a une forte valeur diagnostique.

Dans le sang sont visualisés des polynucléaires (PN) hyposegmentés (parfois jusqu’au PN pseudo-Pelger : monosegmenté), dégranulés, comportant parfois des vacuoles ou des corps de Döhle. DIA 6

Dans la moelle, il convient de rechercher des anomalies nucléaires des PN. L’hyposegmentation est très caractéristique (PN monolobé de type pseudo-Pelger) et est souvent associée à une condensation anormale de la chromatine ou à d’autres anomalies. Parfois, sont observées des cellules binucléées ou à noyau anormal. Au niveau du cytoplasme, il existe souvent des vacuoles et surtout une hypogranulation voire une perte complète des granulations dans les PN neutrophiles. La présence de corps d’Auer dans les blastes et très rarement dans les granuleux doit impérativement être signalée car leur présence fait basculer le SMD en MDS-EB 2. DIA 7

* Dysmégacaryopoïèse : dans le sang peuvent être observées des plaquettes de grande taille voire géantes et des plaquettes vides ou avec granulations anormales, associées à des anomalies fonctionnelles. DIA2 et 3

Dans la moelle, il existe principalement des anomalies nucléaires avec des mégacaryocytes hypo/hyperlobés ou non lobés, des mégacaryocytes multinucléés et des mégacaryocytes de taille réduite (micromégacaryocytes).

  • Quantifier les blastes

Un excès de blastes est retrouvé chez environ un quart des patients. Ce sont des blastes indifférenciés, des myéloblastes et des monoblastes. Ils restent inférieurs à 20 % des cellules dans le sang et dans la moelle (au-delà, il s’agit d’une LAM).

La blastose peut augmenter au cours de l’évolution des SMD.

  • Cytogénétique OMS 2016

L’analyse cytogénétique doit être effectuée sur moelle osseuse. Il existe des anomalies dans 40 à 60 % des cas, d’une grande variété, reprises dans le score IPSS-R.

On distingue l’entité SMD avec del(5q) isolée ou associée à une anomalie additionnelle, hors anomalie du 7  (2016).

Le score IPSS-R (Revised International Prognostic Scoring System) prend en compte le pourcentage de blastes médullaires, les anomalies cytogénétiques et le niveau de(s) cytopénie(s) (2, 3).

Des calculateurs ont été élaborés pour établir ce score, permettant de catégoriser le risque du patient en « très faible, faible, intermédiaire, élevé, très élevé ». Cette catégorisation permet de guider le clinicien dans le choix de la meilleure option thérapeutique.

Catégories pronostiques, selon le score IPSS-R (3) : (dia 22)

  • La biologie moléculaire : apport du NGS dans le diagnostic et le pronostic des SMD

Dans la classification OMS 2017, seule la présence d’une mutation sur le gène SF3B1 intervient pour le diagnostic d’un SMD. Mais de nombreuses publications depuis 2017 apportent de nouvelles données moléculaires, notamment pour le pronostic.

L’analyse en NGS peut être réalisée sur sang ou moelle osseuse. Son apport dans les SMD est triple :

– diagnostique : dans un bilan de cytopénie, le myélogramme est parfois peu contributif (ou ne montre que quelques signes de dysérythropoïèse ou dysgranulopoïèse) et la cytogénétique peut retrouver un caryotype normal (dans 40 à 50 % des cas). Un panel NGS peut permettre de poser le diagnostic en mettant en évidence une mutation sur SF3B1 ou une clonalité moléculaire qui est fréquente compte tenu du grand nombre de gènes mutés dans les SMD. L’interprétation doit toutefois tenir compte des CHIPs (hématopoïèse clonale de signification indéterminée) qui touchent les sujets âgés.

– pronostique :

Un SMD avec une mutation SF3B1 isolée est de pronostic favorable. A l’inverse, certaines mutations sont associées à un pronostic défavorable (risque de transformation en LAM) : TP53, EZH2, ETV6, RUNX1, ASXL1, CBL, DNMT3A, IDH1/2.

En 2022-23, une évolution se profile vers l’utilisation d’un nouveau score moléculaire des SMD qui pourrait améliorer encore la stratification pronostique des patients.

Ce score moléculaire (IPSS-M) a été présenté à l’ASH en 2021 (4) : il associe à l’hémoglobine, aux plaquettes, au pourcentage de blastes et à l’IPSS-R cytogénétique, l’étude de 16 gènes principaux et 15 gènes « secondaires ». Les 16 gènes principaux sont TP53, MLL, FLT3, SF3B1, NPM1, NRAS, ETVS, IDH2, CBL, EZH2, U2AF1, SRSF2, DNMT3A, ASXL1 et KRAS. Les 15 gènes secondaires sont BCOR, BCORL1, CEBPA, ETNK1, GATA2, GNB1, IDH1, NF1, PHF6, PPMD1, PRPF8, PTPN11, SETBP1, STAG2 et WT1.

L’étude présentée à l’ASH, menée sur 2957 patients, a montré qu’avec ce nouveau score pronostique intégrant les données moléculaires, 46 % des patients avaient changé de groupe pronostique : 74 % ont basculé en risque plus élevé, 26 % basculent en risque moins élevé et 6 % des patients à faible risque ont basculé en haut risque, d’où un impact très important sur la prise en charge des patients.

La précision du pronostic par la recherche de ces mutations permet ainsi l’optimisation de la prise en charge des patients.

Sur un plan théranostique et de réponse au traitement :

Les patients qui ont un syndrome 5q- répondent généralement très bien au traitement par lénalidomide, mais certains d’entre eux y résistent. Nous savons désormais que cette résistance est associée à une mutation sur TP53.

Par ailleurs, les mutations sur IDH1/2 ou FLT3, rares, sont des cibles thérapeutiques potentielles et doivent être signalées.

Enfin, l’efficacité des agents hypométhylants (Vidaza®) est associée à certains profils mutationnels : les patients ayant une mutation sur TET2 répondent mieux ; ceux ayant une mutation sur ASXL1 répondent un peu moins bien.

L’immunophénotypage

Un immunophénotypage sur moelle osseuse peut également être réalisé pour aider au décompte des blastes quand la cytologie est très difficile, ou à la recherche d’un clone HPN concernant 1 à 2 % des patients (SMD à moelle hypoplasique).

L’immunophénotypage en cytométrie en flux (CMF) permet également l’évaluation de la dysplasie et le calcul de scores, dont les plus utilisés sont le score d’Ogata et le Red-score (pour la maturation érythroïde).

L’immunophénotypage constitue bien une aide au diagnostic des SMD.

Synthèse du bilan biologique

Obligatoires pour le diagnostic :

  • NFS
  • Myélogramme (BOM selon les pays)
  • Caryotype médullaire
  • Ferritine : évaluation et suivi de l’hémosidérose transfusionnelle

Diagnostic différentiel de l’anémie :

  • Fer, saturation de la transferrine
  • Dosages B9 et B12
  • Créatinine
  • Bilan hépatique
  • Recherche d’un syndrome inflammatoire
  • Haptoglobine et bilirubine
  • TSH
  • Sérologies VIH, hépatites B et C

Typage HLA si une greffe est envisagée, phénotype érythrocytaire étendu pour les transfusions

Dosage d’EPO : prédictif de la réponse au traitement par EPO.