Stress oxydatif et biologie fonctionnelle et préventive – Eurofins Biomnis

Cette biologie nouvelle du stress oxydant est longtemps restée réservée à la recherche clinique et fondamentale. Aujourd’hui, elle ne peut plus être ignorée. La détermination du statut de stress oxydant chez les patients prend une place de plus en plus importante en médecine de ville et doit répondre à de nouveaux besoins. La prescription des marqueurs du stress par les cliniciens est croissante et les laboratoires sont de plus en plus sollicités pour des dosages spécifiques.

Depuis les années 1970, la place de la biologie du stress oxydant (ou stress oxydatif) croît de manière exponentielle dans la recherche fondamentale et la presse médicale. Dès les années 1950, M. Harman, le premier, émettait l’hypothèse du rôle délétère des radicaux libres dans la physiopathologie du vieillissement. En 1970, Mac Cord met en évidence, chez l’homme, l’existence d’une enzyme, la superoxyde dismutase (SOD), impliquée dans la production des radicaux libres. Depuis lors, de très nombreux travaux ont permis de confirmer la théorie d’Harman et le rôle délétère des radicaux libres, mis en cause dans – ou associés à – de nombreuses pathologies.

Ainsi, en étant capable de détecter un état de stress oxydant, de suivre son évolution, d’essayer de l’enrayer et de prévenir son apparition, nous devrions pouvoir réduire le risque d’apparition ou freiner l’évolution de certaines maladies chroniques et, probablement, de ralentir le vieillissement.

La production de radicaux libres : un phénomène physiologique

L’oxygène est un élément vital : son utilisation au cœur de la cellule, dans la mitochondrie, génère de l’énergie à partir des nutriments apportés par l’alimentation. Lors de ce processus, dit de phosphorylation oxydative, l’oxygène capte des électrons et passe ainsi par des états successifs très instables : les espèces réactives de l’oxygène ou ROS (Reactive Oxygen Species) :

Au cours de ce cycle, une très faible quantité de ROS s’échappe des mitochondries ; à leur tour, elles vont capter l’électron qui leur manque, aux dépens d’une molécule qui va, de ce fait, être oxydée. Ce processus de phosphorylation oxydative est physiologique, tant qu’il reste contenu.

 

En effet, une production basale de radicaux libres est nécessaire à de nombreuses fonctions cellulaires : phagocytose, régulation du cycle cellulaire, immunité antitumorale, immunité non spécifique, contraction musculaire, modulation de l’expression de gènes, transmission de signaux cellulaires (modulant les cascades de protéines kinases), prolifération cellulaire, apoptose, activation de facteurs de transcription redox-sensibles.

Les radicaux libres ne sont donc pas que des espèces toxiques, mais interviennent à faible concentration, dans de nombreuses fonctions métaboliques. Cette production doit exister, mais ne pas s’emballer.

Ainsi, le bon fonctionnement de l’organisme dépend de l’équilibre de la balance entre la quantité de radicaux produits et la capacité de contrôle des systèmes anti-oxydants apportés par l’alimentation (antioxydants exogènes) ou produits par les cellules (antioxydants endogènes).

Tout déséquilibre entraîne la production d’une quantité trop importante de ROS : c’est le stress oxydatif (ou stress oxydant) (SO).

Le stress oxydatif - définition

Il s’agit des conséquences d’un excès de radicaux libres dû à un déficit d’adaptation (génétique ou nutritionnel) en anti-oxydants, pouvant être à l’origine de lésions biochimiques et de dégâts cellulaires et tissulaires.

Les radicaux libres regroupent toutes les espèces chimiques (atomes, groupes d’atomes ou molécules) possédant un électron libre non apparié sur leur orbitale externe. Cet électron libre leur confère trois grandes propriétés : durée de vie très courte (10-3, 10-4 secondes), réactivité importante, très grande instabilité. De fait, les radicaux libres vont toujours chercher à se stabiliser, en arrachant un électron libre aux structures environnantes pour former un doublet électronique. Ils forment ainsi dans l’organisme de nouveaux radicaux libres et, s’ils sont produits en grande quantité, peuvent entraîner des dégâts moléculaires.

Les espèces réactives de l’oxygène (ROS) sont formées à partir du métabolisme de l’oxygène, soit à partir d’un gain d’énergie (excitation de l’O2 par les UV, la chaleur, les rayons gamma…), soit à partir d’un gain d’électron (réduction métabolique de l’O2). En agissant sur l’O2 moléculaire, les UV, la chaleur ou les rayons gamma entraînent une modification de sa conformation électronique, conduisant à la génération d’un Oxygène singulet (état excité de l’O2), extrêmement réactif, de durée de vie très courte, diffusant très facilement et dont les cibles sont les acides nucléiques et les protéines. Le processus de gain d’électron va entraîner la réduction partielle de la molécule d’oxygène formant tout d’abord l’anion superoxyde, qui va ensuite se dismuter dans l’organisme pour former le peroxyde d’hydrogène, molécule très oxydante, très toxique et diffusant facilement, pouvant entraîner la formation de radicaux hydroxyles, toxiques en présence de fer (réaction de Fenton).

Comment luttons-nous contre un excès de radicaux libres ?

En les éliminant grâce à des enzymes anti-oxydantes          

Pour cela, nous disposons de la superoxyde dismutase (SOD), une enzyme à cuivre (Cu) et à zinc (Zn) dans le cytoplasme, et à manganèse (Mn) dans la mitochondrie, concourant à la formation de peroxyde d’hydrogène (H2O2). Deux systèmes protecteurs interviennent à ce niveau : la catalase (enzyme à fer), localisée dans les peroxysomes, et la glutathion peroxydase (GPX), dans les membranes, le cytoplasme, la mitochondrie et le plasma. La GPX fonctionne avec du sélénium (son activité est augmentée lorsque nous prenons du sélénium) : elle prend en charge le H2O2 et le transforme en molécule d’eau H2O, inactive. La GPX a pour rôle la transformation du glutathion réduit (GSH) en glutathion oxydé (GS-SG), une partie étant éliminée et l’autre régénérée par une glutathion réductase (GR) dont le coenzyme est la vitamine B2. Ces systèmes de protection (SOD, GPX, GR) fonctionnent en étroite collaboration.

 

En neutralisant les radicaux par des piégeurs (ou scavengers) fabriqués dans nos cellules

Ces piégeurs vont capter l’électron célibataire du radical et le transformer en un nouveau radical, beaucoup moins toxique, qui sera détruit et éliminé. Ce sont, dans le plasma, l’acide urique et la céruléoplasmine, et dans les cellules, le glutathion et le coenzyme Q10.

 

En neutralisant les radicaux par des piégeurs provenant de l’alimentation : polyphénols, bêtacarotène, vitamine C, lycopènes, vitamine E, dérivés indoliques, oligoéléments (Cu, Zn, Se), polyphénols…

 

 

En prévenant leur formation par des protéines qui contrôlent les apports excessifs de fer et de cuivre : ferritine, transferrine, céruléoplasmine.

Rupture d'adaptation anti-oxydante : les effets du stress oxydant

Lésions au niveau des trois principales cibles : lipides, protéines, ADN

En cas de déséquilibre de la balance entre la quantité de radicaux produits et nos systèmes anti-oxydants, l’excès de radicaux libres entraîne des dégâts indirects (dérèglement des systèmes biologiques dépendant du potentiel redox) et des lésions directes au niveau de trois cibles principales : les lipides, les protéines et l’ADN.

La peroxydation des lipides entraîne une modification de toutes les membranes avec perturbation des flux ioniques, altération de la perméabilité et altération cellulaire. L’oxydation des LDL est responsable, via la génération de LDL oxydées (LDLox), de la formation de plaques.

L’oxydation des protéines concerne principalement les protéines comportant des groupements thiols, permettant de maintenir le potentiel redox dans les cellules. Elle entraîne l’inactivation de plusieurs fonctions enzymatiques, la destruction excessive de certaines protéines par des protéases et la formation de dérivés secondaires carbonylés. Ces dérivés sont mutagènes, entraînent la désorganisation du cytosquelette et l’apoptose notamment de certains neurones de l’hippocampe.

Au niveau de l’ADN, l’oxydation du désoxyribose entraîne des cassures de chaînes et l’oxydation des bases a des effets mutagènes et cancérigènes.

 

Ces perturbations métaboliques diffèrent selon l’organe ou le type cellulaire atteint, le taux et le type de radicaux libres formés et selon des facteurs génétiques spécifiques des individus, leur hygiène de vie, le contexte physiopathologique, des facteurs environnementaux… Nous ne sommes pas tous égaux devant le stress oxydant.

Stress oxydant et maladies chroniques

Le stress oxydant est une constante de nombreuses pathologies chroniques. Il est impliqué dans leur genèse (parfois) et leurs conséquences (toujours) :

Maladies directement créées par un stress oxydant

Maladies créant secondairement un stress oxydant, important dans leur évolution

Maladies pour la genèse desquelles le stress oxydant est certainement un facteur important

Cancers

Maladies autoimmunes

Cataracte

Dégénérescence maculaire

Sclérose latérale amyotrophique

Photovieillissement cutané

Photosensibilisation

Irradiation

Intoxications : Fe, alcool, Cd…

Hémochromatose

Diabète

Insuffisance rénale

Mucoviscidose

Sida

Choc septique

Infarctus du myocarde

 Ischémies/reperfusions

Parkinson

Brûlures

Thalassémies…

Maladie d’Alzheimer

 Stérilités masculines

 Maladies virales : EBV, HBV, Covid 

Rhumatismes

 Athérome

 Insuffisance respiratoire

 Asthme…

Comment mettre en évidence un stress oxydant

Le bilan sanguin

Certains signes et certaines pathologies peuvent orienter vers un SO, mais seule la réalisation d’un bilan sanguin peut permettre d’objectiver une dérégulation conduisant au SO.

La caractérisation du SO permet d’apporter une réponse adaptée en corrigeant et/ou en compensant les déficits associés (complémentation en anti-oxydants et/ou en oligoéléments spécifiques). En effet, si les anti-oxydants peuvent prévenir certaines maladies ou freiner leur évolution, une complémentation, pour être efficace, doit être justifiée, adaptée, spécifique et contrôlée. D’où l’intérêt d’un bilan sanguin.

Le bilan sanguin pour mettre en évidence un stress oxydant : le panel OxyCheck

Ce bilan comprend : Zn, Cu, Se, acide urique, CRPus, LDLox, GPX, glutathion réductase et thiols, ainsi que le calcul d’un Index spécifique directement corrélé au niveau de SO présent.

Les analyses

LDL oxydées (LDLox)
Les LDLox représentent le produit terminal du processus de stress oxydatif sur les lipides.

Une augmentation des LDLox signe en général un stress oxydatif relativement important, et peut signifier, à terme, un risque plus élevé de maladie cardiovasculaire.

 

Zinc, cuivre et Rapport cuivre sur zinc
Le zinc et le cuivre sont des cofacteurs des SOD (superoxyde dismutases) à Cu/Zn, enzymes contribuant au bon fonctionnement de la chaîne respiratoire mitochondriale en neutralisant l’anion superoxyde.  Le rapport Cu/Zn doit idéalement être égal à 1.

L’augmentation du rapport Cu/Zn est un marqueur significatif de stress oxydatif. Une concentration sanguine basse de zinc s’observe chez les patients consommant peu de produits d’origine animale (végétariens, végétaliens, végans), mais aussi chez des patients dont les besoins en zinc sont augmentés (maladies chroniques, prise de médicaments chélatant le zinc, déficit immunitaire). Les concentrations sanguines élevées de cuivre reflètent le plus souvent un syndrome inflammatoire, généralement confirmé par une CRPus élevée.

 

Glutathion peroxydase (GPX)
La GPX (glutathion peroxydase) utilise le glutathion réduit comme substrat et, en l’oxydant, élimine de nombreuses formes radicalaires. Elle permet par ailleurs la réduction de substrats oxydés comme le radical ascorbyl ou vitamine C oxydée.

Son activité est dépendante de son cofacteur : le sélénium.

Une concentration sanguine élevée de GPX signe un stress oxydatif actuel.

L’activité de la GPX dépend du sélénium et une supplémentation en sélénium inopportune peut à elle seule augmenter la GPX : si le sélénium est normal ou bas, une augmentation de la GPX confirme l’existence d’un stress oxydatif actuel ; si le sélénium est augmenté, une concentration sanguine élevée de GPX doit être relativisée, et toute supplémentation en sélénium proscrite.

La GPX doit également être interprétée en fonction du taux de la glutathion réductase (GR).

 

Glutathion réductase (GR)
La glutathion réductase régénère le glutathion oxydé en glutathion réduit.

L’association d’une GR basse et d’une GPX élevée est caractéristique des états de stress oxydatif chroniques.

 

Thiols

Les thiols sont des protéines qui jouent un rôle tampon essentiel dans le plasma contre le stress oxydatif.

Lors de stress oxydatifs importants, ces protéines rétablissent un équilibre « redox » (balance oxydation/réduction) : en éliminant les radicaux libres en excès, elles s’oxydent avant d’être éliminées.

La diminution de la concentration sanguine des protéines thiols est l’un des marqueurs les plus pertinents de stress oxydatif.

Le plus souvent, des taux bas, voire effondrés des thiols objectivent un stress oxydatif ancien et/ou chronique. Des phénomènes de « burst oxydatif » aigus peuvent également s’accompagner d’une chute importante de la concentration des thiols plasmatiques.

 

Le sélénium
Le sélénium est un oligoélément co-facteur de l’activité de la GPX. Un déficit en sélénium nuit à l’efficacité de l’activité antioxydante du glutathion.

A l’inverse, un excès de sélénium peut avoir un effet pro-oxydant et sa consommation par supplémentation sans bilan préalable n’est pas recommandée.

 

CRP ultrasensible (CRPus)
La CRP ultrasensible est le principal marqueur d’inflammation à bas bruit disponible. Les liens entre une inflammation à bas bruit et le stress oxydatif sont amplement décrits, d’où l’intérêt d’un tel marqueur dans le panel « stress oxydatif ».

 

L’acide urique
L’acide urique n’est pas un anti-oxydant à proprement parler car il n’a pas la capacité de se régénérer lorsqu’il est oxydé ; néanmoins, il participe à hauteur de 60 % à la capacité antioxydante totale du plasma grâce à son pouvoir anti-oxydant propre.

En revanche, une concentration sanguine élevée d’acide urique révèle un état pathologique (goutte, maladies rénales et cardiovasculaires) qui augmente pour son propre compte le niveau de stress oxydatif.

Interprétation

L’interprétation d’un bilan de stress oxydant doit tenir compte :

  • de l’index de stress oxydatif :
    de 0 à 3 : absence de SO ou SO maîtrisé ;
    de 3 à 5 : SO modéré ;
    de 6 à 10 : SO important ;
  • des concentrations sanguines des différents marqueurs et de leurs associations ;
  • du contexte (anamnèse).

Un stress oxydatif élevé a toujours une, voire plusieurs, cause(s).

 

La triade la plus péjorative associe :

un rapport Cu/Zn élevé (Cu élevé/Zn normal ; Cu normal/Zn bas ; Cu élevé/Zn bas)
Les concentrations plasmatiques élevées de cuivre signent, en dehors des maladies génétiques, un syndrome inflammatoire (le plus souvent de bas grade).

Les déficits en zinc peuvent résulter :

  • d’un défaut d’apports (régimes végétarien, végétalien, végan) ;
  • d’une hyperconsommation par l’organisme : maladies inflammatoires, immunitaires, prise de médicaments au long cours chélatant le zinc.

Le déficit en zinc est l’un des déficits les plus fréquents de la population caucasienne : 60 à 80 % des patients suivis dans des cohortes, consommant au moins un médicament de façon chronique et âgés de plus de 60 ans, présentent un déficit plus ou moins important en zinc.

Le traitement des cuprémies élevées (cuivre élevé) est le zinc (de préférence sous la forme bisglycinate de zinc).

 des thiols plasmatiques effondrés
Les thiols bas signent un stress oxydant majeur, souvent anciens et chronique, et indirectement, une oxydation ciblée des protéines.

une glutathion peroxydase (GPX) élevée associée à une glutathion réductase (GR) basse
En dehors des stimulations « artificielles » de la GPX par des prises inopportunes de sélénium (voir sélénémie élevée), une GPX élevée associée à une GR basse signe une faillite du système redox du glutathion (thiol largement majoritaire en intra-cellulaire), et un stress oxydatif « décompensé ». Cette situation est souvent associée à des thiols plasmatiques bas (stress oxydant important ancien et/ou chronique).

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