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Marqueurs biologiques d’immunité dans le cadre de la Covid 19


Comme pour la plupart des virus, la réponse immunitaire développée après contact avec le SARS-CoV-2 est triple :

  • une réponse immunitaire innée, localisée, faisant intervenir des cellules dendritiques, des macrophages…, et
    médiée par des IgA et des cytokines,
  • une réponse immunitaire acquise humorale avec synthèse d’anticorps (IgM, IgA, IgG) par les lymphocytes B,
    dirigés contre deux des principales protéines du virus :

    • anticorps anti-N : dirigés contre la protéine de Nucléocapside, interne au virus,
    • anticorps anti-S : dirigés contre la protéine Spike de surface, permettant l’interaction et la fusion du virus avec la cellule cible, et plus précisément, des anticorps anti-S1/RBD (receptor binding domain).

Pour rappel, le domaine de liaison RBD, contenu dans le sous-domaine S1 est celui qui permet au virus de se lier au récepteur ACE des cellules-cibles et ainsi d’entrer dans ces mêmes cellules.
Les anticorps (Ac) anti-S/S1/RBD semblent être développés plus précocement que les Ac anti-N, seraient détectés
plus longtemps et leur activité serait neutralisante ;

  • une réponse immunitaire acquise cellulaire, faisant intervenir les lymphocytes TCD4+ et TCD8+, dirigés contre
    toutes les protéines virales (ORF1, ORF3, S, N, E…). La réponse lymphocytaire T CD4+ est plus importante dans
    les formes sévères, celle des lymphocytes T CD8+ est majoritaire dans les formes modérées.

Dans la réponse immune au SARS-CoV-2, la réponse cellulaire T prédomine par rapport à la réponse humorale et
est observée y compris chez les sujets asymptomatiques ou paucisymptomatiques, alors que chez ces derniers, les
anticorps spécifiques, en tous cas circulants, peuvent ne pas être détectés.
A noter, qu’en post-infection ou en post-vaccination, une réponse cellulaire T efficace est indépendante de l’activité
humorale et des résultats de séroneutralisation par les anticorps.

Quels tests pour évaluer l’immunité contre des agents infectieux en biologie médicale ?

La recherche d’anticorps sériques contre des agents infectieux se fait de manière générale

  • pour poser un diagnostic en cours ou a posteriori sans recherche d’une immunisation : grippe, hépatite C, herpès
    de type HSV1 ou HSV2,…
  • pour poser un diagnostic mais également évaluer la présence d’un état d’immunité : toxoplasmose, rubéole,
    hépatite B, borréliose, EBV, …
  • pour vérifier la présence d’une protection après une vaccination : hépatite B, tétanos,…

Ces tests sérologiques ne sont, sauf exceptions, jamais complétés par une recherche d’efficacité de ces anticorps,
notamment par les tests de séroneutralisation. En effet, le recul clinique sur ces agents infectieux a montré que les
résultats qualitatifs et quantitatifs sérologiques étaient suffisants et corrélés à leur capacité neutralisante (virucide,
bactéricide…). Ainsi, la séroneutralisation en routine de laboratoire n’existe que pour le contrôle post-vaccinal de
la poliomyélite ainsi que pour celui de la fièvre jaune, maladies pour lesquelles les anticorps détectés ne sont pas
forcément efficaces.

L’évaluation de la réponse cellulaire T est beaucoup plus rare

En effet, l’analyse cytologique T est complexe et présente souvent in vitro, des réactions croisées. Les conditions
préanalytiques pour évaluer les cellules T sont également plus drastiques que celles pour la recherche d’anticorps,
sur simple sérum.
Certains tests d’évaluation indirecte sont néanmoins utilisées, de manière plus marginale, tels que la recherche de
libération d’interféron gamma par les lymphocytes T (principe des tests IGRA Interferon-Gamma Release Assays),
pour évaluer le contact avec un agent infectieux et la présence éventuelle d’une forme latente : Quantiferon® ou
T-Spot® pour la tuberculose-latente (et non pour la tuberculose maladie).

Quels tests pour évaluer l’immunité contre le SARS-CoV-2 ?

Sur le même principe que pour les autres agents infectieux pathogènes, l’évaluation de la réponse humorale et
cellulaire contre le SARS-CoV-2 dans un contexte médical peut se faire :

  • pour poser un diagnostic en cours ou a posteriori (PCR douteuse, ininterprétable, discordante avec la clinique ou
    n’ayant pu être réalisée) ;
  • pour évaluer la présence d’une immunisation post-infection ou post-vaccination (le recul étant encore insuffisant
    sur sa persistance au long cours).

Marqueurs de réponse humorale pouvant être utilisés dans le cadre de la Covid-19

A ce jour, les choix de cibles des réactifs sérologiques développés sont la protéine S, S1 ou plus spécifiquement RBD
et la protéine N, voire l’ensemble N+S, en vue d’une aide au diagnostic ou d’une recherche antérieure de contact
(dépistage de l’infection).

Après une infection par le SARS-CoV-2, la plupart des personnes développent une réponse immunitaire objectivable
par la production d’anticorps dirigés contre le virus. Les Ac produits sont des Ac dirigés contre les protéines de
nucléocapside (anti-N) et contre la protéine de surface du virus (anti-S, anti-S1/RBD).

Après une vaccination contre la Covid-19 avec les vaccins actuels (ARNm ou extrait synthétique de la protéine S),
seuls les anticorps anti-S, anti-S1 et anti-RBD apparaissent, les épitopes de la protéine N n’étant pas intégrés dans
les formulations et donc non présentés au système immunitaire.

Bien que certains résultats soient encore discutés, il est plutôt constaté que les anticorps anti-RBD sont à des
concentrations sériques plus élevés que les anticorps anti-S et mieux corrélés à l’activité neutralisante. Les deux
profils d’anticorps restent cependant corrélés entre eux.

L’activité neutralisante est décrite comme amoindrie en post-vaccination par rapport à la neutralisation constatée
après la maladie. Ceci peut s’expliquer d’une part par la conformation des épitopes et d’autre part par l’environnement
de Spike présentant d’éventuels épitopes facilitateurs sur le virus entier (maladie) et absents sur la protéine
d’origine vaccinale. La réponse cellulaire T CD4 et CD8 prédomine également en post-vaccination.

Bien qu’il n’y ait pas à l’heure actuelle de recommandation d’effectuer un test sérologique pour contrôler l’efficacité
vaccinale, il convient de penser que la recherche d’anticorps anti-S et/ou anti-RBD (cibles techniques S, S1 et/ou
RBD) permettra de conclure à la présence d’une protection anti-covid-19, sans spécification de la durée.

La commercialisation de vaccins à virus entier inactivé verra probablement se développer des profils immunitaires
similaires à la maladie (soit une présence d’anticorps anti-N et d’anticorps anti-S).
Actuellement, la recherche d’anticorps neutralisants à visée diagnostique par des tests de neutralisation, complexes
à mettre en oeuvre et non standardisés, n’est pas indispensable en raison de leur bonne corrélation avec les anticorps
« classiques anti-S ou anti-RBD ».

Marqueurs de réponse cellulaire pouvant être utilisés dans le cadre du virus SARS-Cov2

Comme indiqué précédemment, l’utilisation de tests cellulaires T reste limitée en pratique. Cependant, deux principales
possibilités sont envisageables en ce début d’année 2021 :

  • des tests IGRA, de type T Spot® ou Quantiferon®, avec recherche de libération d’interféron-γ par les lymphocytes
    T en présence d’antigènes de SARS-CoV-2. Ce test évalue la réponse immune T globale sans distinction des
    sous-types lymphocytaires (CD4, CD8…..)
  • la recherche de marqueurs cellulaires T CD d’activation, de dégranulation et de libération de cytokines (intra ou
    extra membranaires) par cytométrie en flux, avant et après stimulation par un extrait protéique de SARS-CoV-2.
    Cette technique est plus précise que les tests IGRAs car permet de distinguer tous les sous-types possibles
    lymphocytaires selon les marqueurs utilisés. Elle est cependant plus complexe, plus longue et peu adaptée à
    des volumes conséquents. Les marqueurs étudiés sont par ailleurs fragiles et la technique doit être réalisée
    rapidement après le prélèvement sans possibilité de préparation ni congélation. Les populations à étudier sont
    différentes en fonction de la phase de l’infection concernée, phase aiguë (CD4, CD8, CD56, CD57, CD107,
    CD69, CD38, PD1, ki67, IFNγ, CD45RO ou RA ; CD3+, CD45, CD197) ou phase de convalescence (CD4, CD8,
    IFNγ, IL2,TNFα, CD107, IL4, IL5).

Un suivi par le simple ratio TCD4/CD8 et la recherche de population T CD2+CD3+CD4+CD8+ (doubles positifs) par
cytométrie en flux peuvent également être utilisés, mais à visée pronostique et de suivi des formes sévères en phase
aigue de la maladie.

In fine,

  • les tests sérologiques dosant les Ac anti-S voire anti-RBD permettent, outre le diagnostic a posteriori d’une infection par le SARS-CoV-2, l’évaluation post-maladie ou post-vaccination de l’immunité humorale au long cours
  • les tests de type IGRA pourraient permettre, en parallèle, l’évaluation post-maladie ou post-vaccination de la
    libération d’interféron gamma et donc de la réponse lymphocytaire T ;
  • un test de séroneutralisation anti-S et/ou la recherche de marqueurs cellulaires T pourrai(en)t être réalisé(s) en
    complément, uniquement sur des cas très particuliers.

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