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Pictogramme horloge Février 2021

Le dosage de la prolactine fait partie du bilan hormonal systématique chez une femme ayant un trouble du cycle et/ou une galactorrhée, et, chez l’homme, devant une gynécomastie, un trouble de l’érection ou une diminution de la libido. La découverte d’une hyperprolactinémie, une fois contrôlée, doit entraîner une démarche diagnostique rigoureuse, pour instaurer un traitement adapté.

L’hyperprolactinémie est une situation fréquente, souvent de découverte fortuite. Les prolactinomes ou adénomes hypophysaires secrétant de la prolactine sont les causes les plus fréquentes d’hyperprolactinémies vraies et symptomatiques ; ils ne sont toutefois pas la première étiologie de toutes les hyperprolactinémies retrouvées en laboratoire.

Physiopathologie

La prolactine (PRL) est une hormone polypeptidique de 199AA (PM=23kDa) de structure tridimensionnelle, codée par un gène unique sur le chromosome 6. Sécrétée par les cellules lactotropes de l’antéhypophyse, elle subit une régulation inhibitrice prédominante par la dopamine hypothalamique ; toute levée de ce frein, médicamenteuse ou pathologique, entraîne une hyperprolactinémie. Il existe aussi des facteurs stimulateurs de sa production (TRH, estradiol) ; enfin, elle même exerce un rétrocontrôle négatif sur sa propre sécrétion par l’hypophyse et sur la sécrétion (pulsatile) du GnRH par l’hypothalamus.

La PRL agit directement par fixation sur son récepteur, au niveau de ses tissus cibles, le sein, l’hypophyse, le foie, le rein, la prostate. Physiologiquement, elle contribue au développement de la glande mammaire et à la préparation de la lactation pendant la grossesse (sa concentration sérique est multipliée par un facteur 5 à 20 en fin de grossesse ; de fait, il convient d’attendre 6 à 9 mois après la fin de l’allaitement avant de doser la PRL).


Les trois formes circulantes de PRL

  • la forme monomérique est une protéine de 23 kDa et représente la forme principale (60 à 90 %), bioactive ;
  • la forme homo-dimérique ou « big prolactine » est un complexe protéique de taille intermédiaire de 45 à 60 kDa : elle représente normalement entre 15 et 30 % de la PRL totale circulante (bioactivité douteuse) ;
  • la forme hétéro-dimérique, « big-big PRL » ou « macroPRL », est un complexe protéique de poids moléculaire élevé, supérieur à 100 kDa, composé d’une molécule de PRL couplée à un autoAc (IgG) ; elle représente normalement moins de 10 % de la PRL totale et n’a pas d’effet in vivo.

Indications du dosage de PRL

Devant des symptômes d’hyperprolactinémie

Chez la femme avant la ménopause, devant un syndrome d’hypogonadisme hypogonadotrope

  • troubles du cycle (aménorrhée secondaire, oligo-spanioménorrhée), dans le cadre d’un bilan d’infertilité ;
  • galactorrhée (rarement isolée, le plus souvent associée à des troubles du cycle) ;
  • signes de carence oestrogénique (baisse de la libido, sécheresse des muqueuses, ostéopénie).

Chez la femme après la ménopause

Peu de signes fonctionnels, souvent frustes.

Chez l’homme

  • troubles de la fonction sexuelle : baisse de la libido, dysérection ;
  • gynécomastie, plus rarement galactorrhée.

Chez le garçon

  • retard ou arrêt pubertaire ;
  • retard de croissance, pouvant révéler une atteinte hypophysaire.

Devant des symptômes évoquant un processus tumoral hypophysaire

  • céphalées d’origine hypophysaire : de prédominance frontale, non pulsatiles, dont l’intensité n’est pas corrélée au volume de la tumeur ;
  • troubles visuels en rapport avec une compression du chiasma optique : hémianopsie bitemporale, de révélation tardive.

Dans le bilan d’une pathologie hypophysaire

  • Sécrétion de PRL par la tumeur elle-même (prolactinome) : microadénome à PRL, macroadénome à PRL, adénome à sécrétion mixte (le plus souvent PRL/GH) ;
  • hyperPRL dite de déconnexion, par compression tumorale de la tige pituitaire (suite à un traumatisme crânien).

Dans un bilan d’infertilité

  • Dosage de PRL demandé a minima en cas de troubles du cycle chez la femme ou de baisse de libido chez l’homme.

Démarche diagnostique devant une Hyperprolactinemie

 

La mise en évidence d’une hyperprolactinémie (HPR) peut être fortuite ou permettre d’identifier l’étiologie de troubles évocateurs ayant conduit à la prescription du dosage de prolactine.

Après confirmation sur un deuxième prélèvement, une démarche rigoureuse incluant un interrogatoire bien conduit, des dosages complémentaires, voire une imagerie, permet de vérifier la réalité de l’hyperprolactinémie et d’aboutir au diagnostic étiologique.

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Hyperprolactinémie

Confirmer le dosage sur un deuxième prélèvement

Une hyperprolactinémie peut être transitoire, non retrouvée sur un contrôle ultérieur ; ces fluctuations physiologiques, de cause indéterminée, ne nécessitent aucun traitement.

De principe, une hyperprolactinémie est donc à contrôler sur un deuxième prélèvement en évitant au maximum toute situation susceptible d’entraîner une augmentation de la prolactine (cf. infra) : s’abstenir de tout médicament hyperprolactinémiant pendant les jours précédents ; éviter une période postprandiale précoce ou un stress préalable important.

Evoquer en premier lieu une cause physiologique

  • Grossesse, allaitement
  • Stress important, activité physique intense, crise convulsive
  • Stimulation du mamelon, traumatisme/brûlure de la paroi thoracique

Eliminer une origine médicamenteuse

De nombreux médicaments peuvent être à l’origine d’une hyperprolactinémie :

  • Neuroleptiques : phénotiazines, butyrophénones, thioxanthènes, benzamides, rispéridone, veralipride, et, dans une moindre mesure, loxapine, olanzapine, pimozide.
  • Antidépresseurs tricycliques : quelques cas rapportés d’hyperprolactinémie avec la fluoxétine, la paroxétine et effet ± hyperprolactinémiant pour le citalopram, la fluvoxamine, la sertraline, la venlafaxine,
  • Anti-émétiques (benzamides et dérivés des phénothiazines), anti-histaminiques H2 (cimétidine, ranitidine),
  • Antihypertenseurs : vérapamil, méthyl dopa, réserpine,
  • Autres : morphine, méthadone, estrogènes à forte dose.

Rechercher une pathologie générale (ou autre) pouvant entraîner une hyperprolactinémie

  • Hypothyroïdie périphérique sévère (dosage de TSH),
  • Insuffisance rénale modérée à sévère (ionogramme sanguin, créatinine),
  • Insuffisance hépatique (bilan hépatique),
  • Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) : ce diagnostic ne sera posé qu’après avoir éliminé toutes les autres étiologies, surtout si la PRL est > 2 fois la normale ; il ne permet pas de surseoir à l’IRM hypophysaire.
  • Lésions nerveuses afférentes (paroi thoracique, moelle épinière).

Rechercher une macroprolactinémie

Au moindre doute, il importe de rechercher une macroprolactinémie, afin de confirmer ou non la réalité de l’hyperprolactinémie

Il s’agit d’une situation artéfactuelle correspondant à la prédominance de formes lourdes circulantes de PRL, non bioactives. Une macroprolactinémie doit être recherchée dans les cas suivants :

  • Hyperprolactinémie avec persistance de cycles ovulatoires,
  • Hyperprolactinémie et galactorrhée seule,
  • Persistance d’une hyperprolactinémie sous traitement.

Devant des symptômes d’hyperprolactinémie : rechercher une lésion tumorale hypothalamo-hypophysaire par une IRM hypophysaire

Lorsque l’hyperprolactinémie est avérée, une IRM hypothalamo-hypophysaire permet de poser le diagnostic étiologique

  • microadénome à PRL (diamètre < 10 mm, PRL < 100 ng/ml),
  • macroadénome à PRL (diamètre ≥ 10 mm, PRL > 200 ng/ml),
  • adénome à sécrétion mixte (le plus souvent PRL/GH),
  • hyperPRL de déconnexion par compression tumorale de la tige pituitaire,
  • macroadénome sécrétant non lactotrope ou non fonctionnel (gonadotrope),
  • tumeur cérébrale (méningiome, craniopharyngiome),
  • sarcoïdose/histiocytose (infiltration de la tige pituitaire),
  • section de la tige hypothalamo-hypophysaire (traumatisme crânien, chirurgie, radiothérapie).

Diagnostic biologique d’une hyperprolactinémie

Conditions pré-analytiques et variations physiologiques

Le jeûne est inutile avant le prélèvement et il n’y a pas d’influence significative de l’horaire ni du jour du cycle menstruel. Des conditions de repos sont souhaitables, mais la pose d’un cathéter et la réalisation de prélèvements multiples sont inutiles.

Les oestrogènes stimulent la synthèse et la sécrétion de PRL, ce qui explique les concentrations légèrement plus élevées observées chez les femmes pré-ménopausées. La PRL s’élève de manière physiologique tout au long de la grossesse pour atteindre des valeurs de 200 à 400 mg/L à la fin du 3e trimestre.


Traitement d’une hyperprolactinémie

Traitement des prolactinomes

Le traitement de première intention est médicamenteux, par agoniste dopaminergique : bromocriptine (Parlodel®), quinalogide (Noprolac®), cabergoline (Dostinex®). Habituellement, la PRL se normalise en quelques semaines à plusieurs mois.

Un traitement chirurgical est indiqué en seconde intention, en cas d’intolérance ou de résistance au traitement médicamenteux ou s’il existe une sécrétion mixte PRL-GH.

Hyperprolactinémie médicamenteuse

Les agonistes dopaminergiques ne doivent pas être utilisés car ils sont souvent inefficaces voire dangereux. Si possible, il convient d’interrompre le médicament à l’origine de l’hyperprolactinémie et de le remplacer par une substance non hyperprolactinémiante. Sinon, un traitement symptomatique par un oestrogène ou un oestro-progestatif (à visée substitutive/contraceptive) peut être proposé pour corriger l’hypooestrogénie.

Macroprolactinémie

Pas de traitement.


Conclusion

L’hyperPRL est une situation fréquente dont il faut toujours confirmer la réalité par un deuxième dosage, si possible dans un autre laboratoire. Il convient d’évoquer en premier lieu une grossesse et une prise médicamenteuse, connaître les symptômes et circonstances ayant motivé le dosage, savoir évoquer la possibilité d’une macroprolactinémie. Un dialogue entre cliniciens et biologistes est indispensable pour une confrontation critique du dosage aux données cliniques et à l’imagerie.


Pour en savoir plus

  • Brue T, Delemer B, et les membres du groupe de travail de la SFE pour le consensus sur les hyperprolactinémies. Ann Endocrinol 2007; 68: e8-e14.
  • Coussieu C. Prolactine : pièges et difficultés pour le laboratoire. Revue francophone des laboratoires 2009; 414: 41-49.
  • Lahlou N, Roger M. Les formes moléculaires de la prolactine circulante. Implications pratiques. Actualités en endocrinologie pédiatrique 2002; 189-208.
  • Maiter D. Hyperprolactinémie en pratique courant. Ce n’est pas si souvent un prolactinome ! Louvain Med 2018;137(3):131-140.