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L’objectif principal du suivi immuno-hématologique de la femme enceinte est la prévention de la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né.

La grossesse est une situation à risque d’allo-immunisation, en particulier au cours du 3e trimestre, lorsque les échanges foeto-placentaires sont physiologiquement plus importants ou lorsqu’une hémorragie foeto-maternelle survient (possible dès le premier trimestre).

 

Incompatibilité foeto-maternelle et maladie hémolytique périnatale

La fixation des anticorps maternels sur des globules rouges fœtaux entraîne une hémolyse pathogène pour le fœtus et le nouveau-né avec risque d’anémie fœtale et néonatale sévère (entre le 3e mois de grossesse, et le 3e mois d’âge post-natal).

Les signes cliniques de l’hémolyse peuvent être très variables : anémie et ictère d’intensité plus ou moins importante avec un risque d’ictère nucléaire (encéphalopathie bilirubinique). L’incidence de l’incompatibilité foeto-maternelle (IFM) avec maladie hémolytique périnatale est de 4/1000 naissances (elle est dans 50 % des cas une incompatibilité ABO).

Incompatibilité foeto-maternelle ABO

Le plus souvent bénigne, elle n’entraîne pas de risque d’anémie fœtale sévère, « seulement » un risque d’anémie néonatale, rarement grave, parfois un ictère retardé (fréquence des ictères par incompatibilité ABO : 2 %). Elle concerne toujours des femmes de groupe O ayant, le plus souvent des nouveau-nés de groupe A, mais la sévérité est plus importante chez les nouveau-nés de groupe B. Elle peut se produire dès la 1e grossesse car ce ne sont pas des Ac naturels qui sont en cause, mais des IgG anti-A et anti-B. Chez le nouveau-né, la photothérapie intensive est efficace ; en cas d’échec, une exsanguinotransfusion peut être effectuée.

Incompatibilité Rhésus

L’antigène RH1 est le plus immunogène des antigènes érythrocytaires. La fréquence de l’allo-Ac anti-RH1 chez les femmes caucasiennes était dans les années 60 (avant la prophylaxie anti-RH1) de 1/170 ; elle est actuellement de 1/1600 (0,9/1000 naissances).

Tableau 1 : Spécificité des allo-anticorps courants et risque d’anémie fœtale sévère et/ou de maladie hémolytique néonatale (d’après le CNRHP, Paris)

Spécificité de l’anticorps
Risque d’anémie fœtale sévère
Maladie hémolytique néonatale
Anti-RH1 (anti-D)Oui après 15 SA (fréquent)OUI
Anti-KEL1 (anti-kell)Oui après 15 SA (fréquent)OUI
Anti-RH4 (anti-c)Oui après 20 SAOUI
Anti-RH3 (anti-E)RARE (3e trimestre)OUI
Anti-MNS1 (anti-M)RAREOUI
Anti-RH5 (anti-e)ExceptionnelOUI
Anti-KEL3 (anti-Kpa)ExceptionnelOUI
Anti-FY1 (anti-Fya)ExceptionnelOUI
Anti-JK1 (anti-Jka)ExceptionnelOUI
Anti-ABO2 (anti-B)ExceptionnelOUI
Anti-RH12 (anti-G)ExceptionnelOUI
Anti-MNS3 (anti-S)ExceptionnelOUI
Anti-RH12 (anti-G)ExceptionnelOUI
Anti-ABO1 (anti-A)NONOUI
Anti-RH2 (anti-C)NONOUI
Anti-FY2 (anti-Fyb)NONOUI
Anti-JK2 (anti-Jkb)NONOUI

L’anti-KEL1 est un anticorps qui inhibe spécifiquement la croissance des progéniteurs érythroblastiques, d’où un risque d’anémie fœtale particulièrement précoce. D’autre part, un titre faible ne préjuge pas du risque d’atteinte fœtale, d’où l’importance d’une surveillance échographique rapprochée.

Diagnostic biologique de la maladie hemolytique périnatale

RAI

Le diagnostic de la maladie hémolytique périnatale repose sur la recherche d’Ac anti-érythrocytaires (ou agglutinines irrégulières : RAI), dont il importe de respecter le calendrier (voir Frise).

En cas de dépistage positif, l’identification du/des Ac est obligatoire, sans attendre la RAI suivante.

Le titrage est aussi obligatoire (et le dosage pondéral pour certaines spécificités) à une fréquence de réalisation dépendant de l’importance de l’immunisation, de la dangerosité de l’anticorps et du terme de la grossesse.

Tableau 2 : schéma de titrage-dosage (d’après le CNRHP)

Anti-RH1
Anti-RH4
Anti-KEL1
Anti-RH3
Autres
Seuils critiques pour mise en place d’un suivi échographique
Dosage pondéral
250 UCHP/mL

500 UCHP/mL

 

NON

700 UCHP/mL

 

Non, sauf Ac anti-RH2, anti-RH5 et anti-publics
Titre
16416816
Réactivation
Fréquente, tous trimestresFréquente, tous trimestresRare, 3e trimestreRare, 3e trimestreRare, 3e trimestre
Fréquence des dosages
2 semaines (après 16 SA)2 à 4 semainesTous les mois (après 16 SA)6e, 7e et 8e mois3e et 8e mois

 

Examens complémentaires

Pour affirmer une incompatibilité foeto-maternelle (IFM) avec risque d’anémie fœtale et/ou néonatale, des examens complémentaires doivent être réalisés :

  • Un phénotypage paternel est proposé : il confirme (ou non) le risque d’anémie fœtale et/ou néonatale en permettant de savoir si le géniteur est porteur ou non de l’antigène, et si son expression est homozygote ou hétérozygote ;
  • Un génotypage RHD fœtal est systématiquement réalisé chez les femmes RH:-1 ; il concerne environ 150 000 femmes par an en France (cf. Figure 1). Réalisable dès 11 SA, il permet d’adapter le suivi et la prévention des femmes RH:-1 non immunisées (cf. Figure 2) en fonction du statut RH1 du fœtus : si le fœtus est RH:-1, il n’y a pas de risque d’incompatibilité fœto-maternelle et il ne sera pas nécessaire de faire de prévention par injection de gammaglobulines anti-D (Rhophylac®) chez la mère. En revanche si le fœtus est identifié RH:1, la prophylaxie par gammaglobulines anti-D se justifie.
    Chez les femmes RH:-1 déjà immunisées anti-RH1 (cf. Figure 3), ce test permet d’ajuster les modalités de prise en charge et de surveillance de la grossesse. En effet, si le fœtus est déterminé RH:-1, il n’y a pas de risque d’incompatibilité foeto-maternelle pour la grossesse en cours. En revanche, si le fœtus est RH:1, des mesures de surveillance appropriées devront être prises (titrage/dosage régulier des anticorps maternels, échographie).
  • Les génotypages RH3, RH4 et KEL1 fœtal non invasifs ont un intérêt chez une femme présentant un anti- RH3, un anti-RH4 ou un anti-KEL1 et lorsque le conjoint présente une expression hétérozygote pour l’antigène concerné. La mise en évidence d’ADN fœtal RH3/4 ou KEL1 dans le sang maternel par technique de PCR affirme l’incompatibilité foeto-maternelle. En l’absence de situation d’IFM, la surveillance rapprochée peut être levée (un Ac maternel, même de titre élevé, est sans risque si le fœtus est compatible).
    Cette recherche d’ADN fœtal dans le sang maternel est possible dès 13 SA pour les gènes RH3, RH4 et KEL1. La sensibilité des tests est excellente au-delà de 15 SA.
  • A la naissance, un bilan d’incompatibilité est réalisé chez tous les nouveau-nés de mères immunisées avec un Ac d’intérêt clinique : il consiste en un test direct à l’antiglobuline, une élution et un phénotypage, accompagnés d’une NFS et d’un dosage de bilirubine.




Bibliographie

  • Décret n°92-143 du 14 février 1992 (JO du 18 février 1992) relatif aux examens obligatoires, prénuptial pré- et post-natal
  • HAS. « Suivi et orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées » Recommandations. Mise à jour Mai 2016.
  • Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français. Prévention de l’allo-immunisation Rhésus D chez les patientes de groupe Rhésus D négatif. Mise à jour de décembre 2017 des RPC du CNGOF de 2005.
  • Toly-Ndour C, Huguet-Jaquot S, Delaby H, Maisonneuve E, Cortey A, Mailloux A. Quantification des anticorps anti-érythrocytaires chez la femme enceinte. Revue de Biologie Médicale 2019 ;347 :1-18.