Infectiologie : Helicobacter pylori | Eurofins Biomnis

En 1875, des scientifiques allemands découvrent une bactérie hélicoïdale dans des estomacs humains. En 1982, deux chercheurs australiens, J. R. Warren (pathologiste) et B. J. Marshall (gastroentérologue) redécouvrent cette bactérie parmi les microorganismes cultivés à partir de prélèvements d’estomacs humains. En 2005, ils obtiennent le prix Nobel de physiologie et de médecine pour avoir identifié le rôle de cette bactérie dans la gastrite et l’ulcère gastro-duodénal.

La bactérie

Helicobacter pylori est un bacille à Gram négatif, de forme hélicoïdale, de 3–5 µm sur 0,3 µm, flagellé (2 – 6 flagelles polaires), non sporulé, non capsulé, microaérophile. Son réservoir est l’estomac humain et celui des primates (milieu acide).

Epidémiologie

L’infection à H. pylori est la 2e infection bactérienne chronique la plus répandue au monde (après la carie dentaire). H. pylori contamine 45 à 50 % de la population mondiale. En France, la prévalence globale de l’infection à H. pylori est comprise entre 15 et 30 % : elle est inférieure à 5 % chez l’enfant et supérieure à 50 % après 60 ans.

La transmission est interhumaine, souvent intrafamiliale, dans la petite enfance. Le mode de contamination est oro-fécal en cas de niveau socio-économique bas (absence de réseau d’eau potable correct ou contamination par les vomissements, les diarrhées) ou oro-oral / gastro-oral (par la salive essentiellement) dans les pays de haut niveau économique. Les facteurs favorisants sont la vie en collectivité, la promiscuité, le partage de couverts, des aliments mastiqués donnés aux nourrissons ou une mauvaise hygiène des mains après avoir été aux toilettes.

Pathologies observées

L’infection à Helicobacter pylori se manifeste sous la forme d’une gastrite aiguë qui évolue souvent en gastrite chronique. La pénétration de la bactérie provoque une réaction inflammatoire de la muqueuse gastrique, avec réaction immunitaire humorale et tissulaire. Dans 85 % des cas, l’infection est asymptomatique ; dans 10 à 15 % des cas, la gastrite va évoluer vers un ulcère gastro-duodénal qui peut se compliquer ou récidiver (favorisé par une prise d’aspirine ou AINS), et dans 1 % des cas, vers un adénocarcinome ou un lymphome de MALT. Il est à noter que 70 % des personnes présentant un ulcère gastrique et 90 % de celles ayant un ulcère duodénal sont infectées par H. pylori.

Chez l’enfant, l’ulcère est rare et des manifestations moins spécifiques peuvent être observées : douleurs abdominales, anémie ferriprive sans cause retrouvée, carence en vitamine B12 inexpliquée ou purpura thrombopénique chronique idiopathique (PTI).

Indications diagnostiques

Selon les recommandations de la HAS en 2019, les indications de la recherche d’H. pylori sont les suivantes :

  • Ulcère gastrique ou duodénal (antécédent d’ulcère ou ulcère actif, compliqué ou non) ;
  • Avant prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou d’aspirine à faible dose en cas d’antécédent d’ulcère gastrique ou duodénal ;
  • Dyspepsie chronique avec gastroscopie normale ;
  • Anémie ferriprive sans cause retrouvée ou résistante à un traitement oral par fer ;
  • Carence en vitamine B12 sans cause retrouvée ;
  • Facteurs de risque de cancer gastrique :

Personne apparentée à un patient ayant eu un cancer de l’estomac (parents, frères/sœurs, enfants) ;

Patient ayant un syndrome de prédisposition aux cancers digestifs (HNPCC/Lynch) ;

Patient ayant eu une gastrectomie partielle ou un traitement endoscopique de lésions cancéreuses gastriques ;

Patient avec lésions prénéoplasiques gastriques (atrophie sévère et/ou métaplasie intestinale, dysplasie).

  • Lymphome gastrique du Malt ;
  • Patient devant avoir une intervention bariatrique, isolant une partie de l’estomac ;
  • Purpura thrombopénique immunologique de l’adulte.

L’intérêt majeur de faire le diagnostic d’une infection à H. pylori est de pouvoir traiter, puis il importe de vérifier l’efficacité du traitement, pour prévenir les complications.

Les bénéfices de l’éradication sont nombreux avec entre autres, une amélioration de la dyspepsie chez des patients dyspeptiques H. pylori positifs, cicatrisation des ulcères et diminution de leur récidive, prévention de l’évolution vers l’adénocarcinome, rémission voire guérison des lymphomes de MALT de bas grade.

Méthodes diagnostiques

De nombreux tests sont disponibles. Parmi les tests de diagnostic direct, certains nécessitent une endoscopie haute permettant la réalisation de biopsies (mise en culture, Polymerase Chain Reaction (PCR), histologie), d’autres sont non invasifs (test respiratoire à l’urée marquée au carbone 13, recherche d’antigène d’H. pylori dans les selles) ; enfin, des tests indirects, sérologiques, sont disponibles.

Les tests non invasifs

Le test respiratoire à l’urée marquée au carbone 13

Ce test, utilisable chez l’enfant dès 5 ans et chez l’adulte, ne nécessite pas de condition particulière de conservation des échantillons. Il s’agit de la meilleure technique diagnostique et de contrôle de l’éradication d’H. pylori, lorsque l’endoscopie n’est pas nécessaire. Toutefois, son circuit de réalisation est parfois complexe et il peut exister des faux négatifs, après antibiothérapie ou prise d’anti-sécrétoires de type inhibiteurs de la pompe à protons (IPP).

 

Précautions pré-analytiques  

Le sujet doit être à jeun depuis la veille, au repos, sans boire, ni manger, ni fumer pendant le test. Il doit avoir arrêté tout traitement antibiotique au moins 4 semaines avant et tout traitement anti-sécrétoire (IPP, anti-H2) au moins 2 semaines avant le test, ainsi que d’éventuels anti-acides et pansements gastro-intestinaux (Maalox®, Rennie®, Smecta® …) depuis 24 heures minimum. La fiabilité des tests est excellente avec une sensibilité de 93,3 %, une spécificité, de 98,1 %, une VPP de 97,7 % et une VPN, de 94,6 %.

 

Principe

Le test respiratoire fait appel aux isotopes du carbone (12C majoritaire ; 13C en petite quantité dans la nature, stable). Une solution d’urée marquée au 13C est bue par le patient. En présence de l’uréase de H. pylori, l’urée marquée au 13C est dégradée dans l’air expiré ; en l’absence d’uréase, elle est absorbée et métabolisée.

Le test consiste en des mesures de CO2 marqué au 13C dans l’air expiré. Des précautions sont à prendre pour le recueil de l’air expiré :

  • identifier les 2 tubes T0 et les 2 tubes T30,
  • déboucher le tube,
  • extrémité libre de la paille au fond du tube,
  • le patient prend une respiration régulière, souffle doucement et de façon continue pendant 15 secondes au moins,
  • apparition de buée au fond du tube (pas de salive),
  • le tube est retiré en le faisant glisser le long de la paille, en le maintenant vertical,
  • dès que la paille est retirée, le tube est rebouché rapidement,
  • replacer les 4 tubes dans la boîte du kit,
  • transmettre les échantillons à température ambiante.

Le délai acceptable entre T0 et T30 est de 30 ± 5 min.

Tests de détection d’antigène d’Helicobacter pylori dans les selles

Les tests disponibles ont des performances satisfaisantes, notamment en termes de spécificité (≥ 98,9 %) ; toutefois, ils nécessitent d’être réalisés sur des selles conservées réfrigérés ou congelées si le délai pré-analytique est trop important et des faux négatifs sont également retrouvés chez des patients sous IPP.

La comparaison des performances en termes de sensibilité et de spécificité de la détection d’Ag d’H. pylori dans les selles avec celles du test respiratoire montre des performances similaires avec un léger avantage au test respiratoire.

Tests sérologiques

L’infection se produit le plus souvent dans l’enfance, les IgG apparaissent en 2 à 3 semaines et leur concentration reste élevée tant que l’infection persiste. Les IgM, trop fugaces, ne sont pas détectées.

Les tests sérologiques sont des tests diagnostiques intéressants, car les IgG sont facilement détectables par technique ELISA ou chimiluminescence. La valeur prédictive négative des tests disponibles est excellente, ils ne nécessitent qu’une prise de sang, sont peu coûteux et remboursés. Le dosage peut être différé si le sérum est congelé. En outre, la sérologie est la seule méthode non affectée par des modifications survenant dans l’estomac. En effet, la masse bactérienne peut diminuer en-dessous du seuil de détection des autres méthodes, transitoirement en cas de traitement antibiotique ou anti-sécrétoire, ou de façon permanente en cas de lésions pré-néoplasiques ou néoplasiques.

Toutefois, les résultats de la sérologie peuvent être proches de la valeur seuil si la réponse immunitaire est faible et une sérologie positive ne prouve pas que l’infection est active.

La sérologie n’est pas utilisable en suivi de traitement, car la diminution de la concentration en anticorps est lente, généralement en 4 à 6 mois et les IgG peuvent persister des mois, voire des années après éradication. Elle est surtout intéressante en cas d’impossibilité d’arrêt des IPP avant le test diagnostique. Si elle est négative, le diagnostic peut être écarté ; si elle est positive, une gastroscopie est recommandée avec biopsies pour examens anatomopathologique et bactériologique.

Les tests invasifs

Histologie sur biopsies

L’examen histologique s’effectue au minimum sur deux biopsies antrales et deux biopsies fundiques, prélevées sous endoscopie. Sa sensibilité est excellente si l’anatomopathologiste est expérimenté. Cet examen permet de détecter la présence d’H. pylori, mais aussi d’estimer la gravité des lésions.

Culture

La mise en culture s’effectue dès que les biopsies sont réalisées : celles-ci peuvent être conservées réfrigérées, 24 à 48 h au maximum en milieu Portagerm® Pylori, ou congelées à -20 °C au-delà. A l’arrivée au laboratoire, leur broyage est un élément-clé du diagnostic.

La culture s’effectue sur milieux de culture gélosés plus moins spécifiques pour la recherche d’ H. pylori . La croissance d’H. pylori est difficile (lecture toutes les 48 heures), sous la forme de petites colonies translucides, non pigmentées, non hémolytiques, de 1 mm de diamètre. L’incubation est poursuivie jusqu’à 14 jours en atmosphère microaérophile.

La spécificité de cet examen est excellente, sa sensibilité, bonne, dans des laboratoires expérimentés (elle dépend surtout de la conservation pré-analytique) ; à noter toutefois 10 % de faux négatifs par rapport à la PCR au Centre national de référence des Campylobacters et Hélicobacters (CNRCH).

L’avantage principal de la culture est qu’elle permet la réalisation d’un antibiogramme. Compte tenu de l’évolution des résistances des souches d’H. pylori en France, l’étude de la sensibilité des souches aux antibiotiques est recommandée, surtout en cas d’échec d’éradication préalable à une première ligne de traitement (2).

Polymerase Chain Reaction (PCR)

Elle peut être réalisée à partir de biopsies gastriques. Les performances des kits de PCR commercialisés en France ont été évaluées par le CNRCH et sont excellentes.

Les principaux intérêts de la PCR sont donc ses très bonnes performances, surtout en termes de sensibilité par rapport à la culture, le fait que les conditions pré-analytiques sont moins strictes que pour la culture, le rendu rapide de ses résultats et, surtout, elle permet de rechercher les mutations associées à la résistance à la clarithromycine et, éventuellement, à la lévofloxacine, voire à d’autres antibiotiques utiles pour le traitement des infections à H. pylori.

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