Génétique : la maladie de Fabry | Eurofins Biomnis
À RETENIR
  • La maladie de Fabry est une maladie métabolique héréditaire rare mais potentiellement grave et sous diagnostiquée
  • Les atteintes provoquées par cette maladie sont souvent multisystémiques (atteintes rénales, cardiaques, cérébro-vasculaires…)
  • Les patients atteints de maladie de Fabry ont une espérance de vie réduite, de 20 ans en moyenne pour les hommes et de 15 ans pour les femmes.
  • Un diagnostic simple est possible et des traitements existent afin de prévenir la survenue de lésions irréversibles.

La maladie de Fabry est une maladie génétique liée à une mutation du gène codant l’alpha-galactosidase A (GLA) sur le chromosome X, à l’origine d’un déficit enzymatique en alpha-galactosidase A lysosomale. Ce déficit entraîne l’accumulation de glycosphingolipides au niveau intracellulaire (le globotriaosylcéramide ou Gb3, et son dérivé déacylé le lyso-Gb3 ou globotriaosylsphingosine), responsable d’une affection multisystémique avec manifestations algiques, dermatologiques, gastro-intestinales, cochléaires, rénales, cardiaques, neurologiques…

Ces atteintes sont irréversibles et souvent associées à une morbi-mortalité élevée à l’âge adulte, en l’absence de traitement.

D’où l’importance d’un diagnostic précoce, permettant l’instauration d’un traitement spécifique, enzymothérapie substitutive ou molécule chaperon.

Définition et épidémiologie de la maladie de Fabry

La maladie de Fabry est une maladie de surcharge, du groupe des maladies lysosomales. C’est une maladie génétique héréditaire du métabolisme des glycosphingolipides, de transmission liée au chromosome X, due à un déficit en alpha-galactosidase A.

Les hommes et les femmes sont atteints. Les femmes hétérozygotes conductrices ont un phénotype clinique variable, allant de formes asymptomatiques ou paucisymptomatiques à des formes sévères, vraisemblablement fonction de leur profil d’inactivation du chromosome X (ou lyonisation).

L’inactivation ou lyonisation du chromosome X est un processus au cours duquel l’un des deux chromosomes X est aléatoirement inactivé au cours de l’embryogénèse dans chaque cellule.
Ce mécanisme engendre une mosaïque de cellules saines (variant non pathogène du gène GLA activé) et de cellules atteintes (variant pathogène du gène GLA activé), dans des proportions variables. L’expression d’un fort pourcentage du chromosome X porteur du variant pathogène engendrerait l’apparition d’une symptomatologie plus sévère chez la femme dans le tissu concerné.

Un homme atteint par la maladie transmettra son chromosome X muté à toutes ses filles et à aucun de ses garçons.

Une femme conductrice présente 50 % de risque de transmettre son chromosome X muté, quel que soit le sexe de son enfant.

Deux phénotypes de la maladie peuvent être distingués :

  • une forme classique : maladie systémique avec atteinte multiviscérale, débutant dès l’enfance, associée à une diminution importante de la qualité de vie et une morbi-mortalité élevée (en cas d’évolution naturelle de la maladie de Fabry chez les hommes, l’espérance de vie est de 40 à 50 ans) ;
  • une forme de révélation plus tardive : tableau clinique incomplet, essentiellement cardiaque. Ainsi, le diagnostic peut être posé chez certains patients porteurs de cardiomyopathie hypertrophique (CMH) à l’âge adulte, y compris avec hypertension artérielle.

L’incidence de la maladie est estimée à 1/10 000 naissances (intégrant les formes à révélation tardive).

 

Signes cliniques de la maladie de Fabry

Chez les femmes atteintes de la maladie de Fabry, les symptômes se développent plus tardivement que chez les hommes, mais sont potentiellement tout aussi sévères. La moyenne d’âge d’apparition des premiers symptômes est de 13 ans chez la femme et de 9 ans chez l’homme.

Quand évoquer le diagnostic ?

  • L’interrogatoire peut alerter sur une maladie de Fabry, s’il existe des cas préalablement diagnostiqués ou des antécédents familiaux d’atteinte rénale et/ou cardiaque et/ou cérébrovasculaire, ainsi qu’un décès précoce et/ou inexpliqué (mort subite liée à la cardiomyopathie hypertrophique).

 

  • Devant des symptômes évocateurs, observés dès l’enfance, un ou plusieurs signes parmi les suivants :
    • des douleurs neuropathiques des extrémités (doigts, mains, orteils et/ou pieds) de type acroparesthésies, composées à la fois de brûlures, de décharges et de crises douloureuses très intenses pouvant s’accompagner d’un syndrome inflammatoire (auparavant appelées « crises de Fabry »). Ces douleurs peuvent constituer le premier signe de la maladie chez les enfants et régressent généralement à l’âge adulte.
    • une intolérance à la chaleur, à une exposition au soleil, à un exercice physique,
    • des angiokératomes diffus ou isolés (maculo-papules violettes à noires, ne disparaissant pas sous la pression du doigt, parfois légèrement kératosiques), de topographie variable mais plutôt situées dans la zone génitale et les muqueuses,
    • une fatigue inexpliquée,
    • des troubles digestifs (douleurs abdominales, nausées, diarrhée/constipation, satiété précoce),
    • une sudation diminuée (hypohydrose ou anhydrose),
    • des dépôts cornéens (cornée verticillée) le plus souvent asymptomatiques parfois associés à un brouillard cornéen (haze). Ces dépôts sont mis en évidence par un examen à la lampe à fente et sont quasiment pathognomoniques de la maladie de Fabry (après avoir exclu une intoxication à l’amiodarone ou à l’hydroxychloroquine).

 

  • Autres signes d’alerte (liés à des atteintes précoces d’organe)
    • Atteinte rénale : microalbuminurie puis protéinurie, voire diminution du débit de filtration glomérulaire (DFG).
    • Atteinte cardiaque : augmentation de la troponine hypersensible plasmatique, anomalies visualisées sur l’ECG/Holter 48 h (intervalle PR raccourci, bloc auriculo-ventriculaire, arythmies, inversion de l’onde T…), l’échocardiographie (hypertrophie ventriculaire gauche, cardiomyopathie hypertrophique concentrique non-obstructive…), l’IRM cardiaque (rehaussement tardif après gadolinium dans la paroi postéro-latérale du ventricule gauche lié à une fibrose, abaissement du signal T1 mapping, augmentation du signal T2 mapping).

Un retard médian au diagnostic de 14 ans chez les hommes et de 19 ans chez les femmes est habituellement constaté. Or, un tel retard a des conséquences graves sur le devenir des patients.

Evolution de la maladie après l'âge de 20 ans

Les complications suivantes peuvent se développer :

  • une atteinte rénale, objectivée par une microalbuminurie puis une protéinurie (parfois de rang néphrotique), avec insuffisance rénale chronique, précédée d’une période d’hyperfiltration glomérulaire, pouvant devenir terminale (principalement chez l’homme, plus rarement chez la femme),
  • une atteinte neurologique : un (ou plusieurs) accident ischémique transitoire (AIT) ou accident vasculaire cérébral (AVC) en l’absence de facteur de risque particulier, ainsi que des lésions évocatrices à l’IRM cérébrale (hypersignaux de la substance blanche préférentiellement péri-ventriculaires, lacunes, microbleeds, dolichoectasie des gros vaisseaux artériels, atteinte du noyau thalamique pulvinar à un stade avancé),
  • une atteinte cardiaque : cardiomyopathie, troubles du rythme et/ou de la conduction cardiaque évoluant vers une insuffisance cardiaque à un stade avancé,
  • une atteinte cochléo-vestibulaire uni- ou bilatérale, avec surdité, vertiges, acouphènes,
  • plus rarement, une atteinte respiratoire de type syndrome obstructif.

Focus sur l'atteinte cardiologique

La maladie de Fabry est responsable de 1 % des cardiomyopathies hypertrophiques (CMH) en milieu cardiologique.

L’hypertrophie du ventricule gauche (HVG) est le signe cardiaque le plus fréquent, rapporté chez 50 % des hommes (et jusqu’à 88 % après l’âge de 30 ans) et chez 20 % des femmes à l’âge de 50 ans, en l’absence de prise en charge adaptée (l’atteinte cardiaque survient habituellement 10 ans plus tard chez la femme).

D’autres altérations cardiaques peuvent être observées : une dysfonction diastolique, à l’origine d’une dyspnée, une symptomatologie angineuse, du fait d’une atteinte endothéliale, une arythmie, ainsi qu’une atteinte valvulaire.

Le principal élément pronostique est la survenue d’une fibrose cardiaque pouvant être à l’origine de troubles du rythme et de la conduction.

Un consensus d’experts européens sur la prise en charge des manifestations cardiovasculaires de la maladie de Fabry a récemment été publié (Linhardt A et al, Eur J Heart Failure 2020).

Et l’ESC recommande la recherche systématique de la maladie de Fabry en cas de CMH chez les hommes de plus de 30 ans et chez les femmes en cas de suspicion diagnostique (Elliott PM et al. Eur Heart J. 2014).

Focus sur l'atteinte rénale

L’atteinte rénale dans la maladie de Fabry est la conséquence d’une accumulation de Gb3 dans les cellules rénales qui entraîne une inflammation, une fibrose et une ischémie rénale progressive. L’atteinte initiale évolue en insuffisance rénale chronique (IRC) chez 84 % des hommes et 35 % des femmes atteints de maladie de Fabry et, selon le rapport REIN 2019, la maladie de Fabry serait à l’origine de 0,3 à 1 % des insuffisances rénales d’étiologie indéterminée.

Les facteurs de risque associés à la survenue d’une insuffisance rénale chronique sont le sexe masculin, la profondeur du déficit en alpha-galactosidase et le niveau de protéinurie.

Tout l’enjeu d’évoquer le diagnostic de maladie de Fabry est de permettre la mise en route d’un traitement afin d’éviter la progression de la maladie rénale vers une insuffisance rénale terminale.

Ainsi, l’ERA (European Renal Association) a recommandé dès 2013, de rechercher une maladie de Fabry chez les hommes de moins de 50 ans et les femmes, quel que soit leur âge, en cas de maladie rénale chronique inexpliquée.

L’hypertension ne doit pas être considérée comme un critère d’exclusion puisque 50 % des patients atteints de la maladie de Fabry présentent une hypertension légère à modérée (principalement lorsque le DFG est inférieur à 60 mL / min / 1,73 m2).

La maladie étant sous-diagnostiquée, on estime qu’un patient sur 400 greffés rénaux serait atteint de la maladie de Fabry, ce qui représenterait plus de 60 hommes greffés rénaux atteints d’une maladie de Fabry en France.

Chez les patients transplantés rénaux et atteints de la maladie de Fabry, le greffon n’est pas recolonisé par le processus pathologique ; il possède une activité enzymatique normale. Cependant, les complications cérébro- et cardiovasculaires peuvent persister et les atteintes cardiaques restent la première cause de décès de la maladie de Fabry.

Diagnostic de la maladie de Fabry

Chez les patients masculins

Le diagnostic repose sur la mesure biochimique de l’activité α-galactosidase A dans les leucocytes et/ou sur goutte de sang séché (papier buvard).

Ce dosage est réalisé en laboratoire spécialisé. L’activité enzymatique est indétectable ou < 3 % dans les formes classiques de la maladie. Dans les formes à début plus tardif, en particulier en cas d’atteinte cardiaque exclusive, une activité résiduelle comprise entre 1 et 20 % peut être retrouvée. De fait, un taux d’activité de l’α-galactosidase A < 25 % est considéré comme « effondré » chez un patient de sexe masculin. Une confirmation moléculaire du diagnostic est indispensable par l’analyse ciblée du gène codant l’α-galactosidase A (GLA) (génotypage) et la mise en évidence du variant pathogène (séquençage par technique Sanger).

Celle-ci va aider à caractériser la forme clinique (classique versus à révélation tardive), à réaliser l’enquête familiale, et à déterminer la sensibilité (ou non) à la molécule chaperon.

Une autre approche diagnostique peut être de demander d’emblée un séquençage par NGS (Next Generation Sequencing), technique de séquençage de nouvelle génération dite pangénomique, c’est-à-dire au sein d’un panel de gènes (comportant le gène GLA) par orientation clinique : par exemple, panel de gènes responsables de cardiopathies en cas de point d’appel cardiaque ou panel de gènes de néphropathies en cas d’atteinte rénale … Dans ce cas, l’analyse phénotypique (dosage biochimique de l’activité α-galactosidase A) est effectuée a posteriori.

Comme pour toute analyse génétique, un consentement éclairé écrit du patient est nécessaire.

De nouvelles approches diagnostiques sont développées telles que l’étude de l’exome (toutes les séquences du génome codant des protéines), voire du génome (WGS pour Whole Genome Sequencing), d’ores et déjà utilisées en recherche et diagnostic, dans le cadre de réunions de concertation pluridisciplinaire organisées par les filières de soins Maladies rares (FSMR).

Dans tous les cas, la pathogénicité du variant doit être établie dans un laboratoire de référence ou par le Centre de référence coordonnateur de la maladie de Fabry.

Ainsi, toute mise en évidence d’un taux effondré d’α-galactosidase doit conduire à la réalisation d’un test génétique. Le dosage du lyso-Gb3 (substrat de l’enzyme déficiente, augmenté dans la maladie de Fabry) accompagne classiquement le bilan initial.

Chez les filles et les femmes

L’activité de l’α-galactosidase A peut être normale, du fait d’une inactivation préférentielle du chromosome X muté. De fait, le diagnostic s’appuie également sur un dosage du lyso-Gb3 plasmatique (parfois élevé), mais seule l’étude du gène GLA permet de confirmer la présence d’un variant pathogène de la maladie de Fabry. En effet, le lyso-Gb3 plasmatique peut être normal chez certaines femmes hétérozygotes. Le dosage du lyso-Gb3 urinaire est peu utilisé au diagnostic, mais peut être utile au suivi thérapeutique (il a tendance à se normaliser sous traitement).

Ainsi, pour le diagnostic chez les filles et les femmes, si l’activité α-galactosidase A est déficitaire et/ou le lyso-Gb3 plasmatique élevé et/ou en cas de forte suspicion clinique, un génotypage du gène GLA doit être réalisé.

Bilan au diagnostic : examens complémentaires

Après l’annonce du diagnostic, des explorations complémentaires sont préconisées :

  • néphrologiques : dosage de la créatinine sérique et estimation du DFG par la formule CKD-Epi chez l’adulte et par la formule de Schwartz chez l’enfant, associés à une mesure du ratio albuminurie/créatininurie (ACR) et du ratio protéinurie/créatininurie (PCR). Une ponction biopsie rénale et/ou une échographie rénale peu(ven)t être envisagée(s) ;
  • cardiaques : ECG de repos, échocardiographie trans-thoracique, holter-ECG de 24 ou (mieux) 48 h, dosages de troponine hypersensible, NT-pro-BNP ou BNP, IRM cardiaque chez l’adulte ;
  • neurologiques : IRM encéphalique, évaluation neuro-psychologique si besoin. L’électroneuromyographie (ENMG) est normal dans la maladie de Fabry car ce sont les petites fibres nerveuses qui sont atteintes ;
  • ORL : audiogramme ;
  • ophtalmologique : fond d’œil, examen à la lampe à fente, éventuellement champ visuel ;
  • osseuse : ostéodensitométrie ;
  • pulmonaire : explorations fonctionnelles respiratoires ;
  • examens biochimiques et hématologiques : bilans rénal et cardiaque, ionogramme sanguin et dosage des protéines plasmatiques totales, glycémie à jeun, exploration d’une anomalie lipidique, bilan phosphocalcique, numération formule sanguine, bilan urinaire (ACR, PCR).

Enquête familiale

Après diagnostic d’un cas index, une enquête familiale doit être réalisée.

Chez les jeunes garçons, un dépistage précoce est recommandé, du fait de la possibilité d’instaurer un traitement spécifique dès l’âge de 7-8 ans, si les familles le souhaitent.

Une consultation en génétique clinique est recommandée pour réaliser un arbre généalogique, informer les apparentés sur la maladie de Fabry et informer les couples à risque, notamment sur l’éventualité d’un diagnostic prénatal ou pré-implantatoire.

4- Prise en charge médicamenteuse de la maladie de Fabry

Le traitement repose sur l’enzymothérapie de substitution ou une molécule chaperon.

L’enzymothérapie substitutive utilise soit l’agalsidase alfa (Replagal®) à la dose de 0,2 mg/kg une semaine sur deux, soit l’agalsidase bêta (Fabrazyme®), à la dose de 1 mg/kg, une semaine sur deux, administrées par perfusion intraveineuse. Elle devra être débutée avant la survenue d’atteintes irréversibles telles qu’un AVC ou des lésions de fibrose rénale ou cardiaque.

Le migalastat (Galafold®), seule molécule chaperon ayant l’AMM dans la maladie de Fabry, est réservée aux patients adultes ou adolescents de 16 ans et plus, porteurs de variants pathogènes sensibles du gène GLA, et s’administre per os, à la dose de 123 mg de principe actif, tous les 2 jours, en dehors des repas.

Ces traitements ne peuvent être initiés qu’après avis favorable du Centre de référence de la maladie de Fabry, d’un de ses centres de compétences ou d’un Centre de référence des maladies héréditaires du métabolisme.

Des traitements symptomatiques propres à chaque organe sont essentiels à l’amélioration de la qualité et de l’espérance de vie des patients et doivent être associés à la prévention et la correction d’éventuels facteurs de risque cardiovasculaires surajoutés (HTA, tabagisme, dyslipidémie, diabète, obésité).

Suivi des patients

Un suivi spécialisé régulier est indispensable pour les hommes, les femmes et les enfants. Il est essentiel, notamment pour préciser l’évolution de la maladie, dépister une éventuelle nouvelle atteinte lésionnelle et vérifier l’efficacité et la tolérance du traitement spécifique.

Il associe un bilan clinique, radiologique et biologique, annuel chez les hommes et tous les deux ans chez les femmes, au minimum.

Ce suivi est assuré par le médecin responsable du Centre de référence coordonnateur de la maladie de Fabry et/ou d’un Centre de compétence de la maladie de Fabry, en lien avec le médecin traitant.

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