L’hémogramme – le myélogramme
La leucocytose est variable, de 3 à 100 G/L avec deux catégories, selon qu’elle est < 13 G/L (versant myélodysplasique) ou ≥ 13 G/L (versant myéloprolifératf).
Ce qui distingue la LMMC des autres « formes frontières » chez l’adulte est la monocytose sanguine, à la fois en valeur absolue, supérieure à 1 G/L, et en valeur relative, supérieure à 10 % des leucocytes, ainsi qu’une myélémie, qui doit rester inférieure à 10 % (au-delà, évoquer une LMCa).
Le myélogramme est riche dans 75 % des cas, avec une hyperplasie granulomonocytaire et une dysmyélopoïèse.
Les éléments de diagnostic différentiel avec les autres formes frontières SMD/NMP figurent dans le tableau 2
LMCa : leucémie myéloïde chronique atypique ; LCN : leucémie chronique à neutrophiles ; SMD/NMP-SC-T : SMD/NMP avec sidéroblastes en couronne et thrombocytose ; DysG : dysgranulopoïèse.
* Le décompte des blastes inclut les blastes, myéloblastes, monoblastes et les promonocytes.
** Le critère dysplasie peut être remplacé par une anomalie cytogénétique ou génétique acquise.
Le phénotypage monocytaire par CMF
Bien que ses résultats ne soient pas inclus dans les critères de classification de l’OMS, la cytométrie en flux a désormais une valeur diagnostique reconnue dans la LMMC selon les critères de l’ELN.
L’approche diagnostique de la LMMC en CMF repose sur l’identification des sous-populations monocytaires dans le sang périphérique selon le profil d’expression des marqueurs CD14 et CD16.
Ainsi, une accumulation relative de monocytes dits « classiques » MO1 (CD14+, CD16 -) supérieurs ou égaux à 94 % au sein des monocytes totaux, oriente vers une LMMC avec une forte sensibilité et spécificité. Cela incite alors à prélever un myélogramme et à poursuivre le bilan diagnostique et pronostique. A contrario, une diminution de la proportion de monocytes classique au niveau du sang périphérique oriente vers une autre cause de monocytose et permet d’éviter la réalisation d’un myélogramme.
Toutefois, il est parfois difficile de distinguer une LMMC, qui peut être associée à des manifestations inflammatoires, d’affections auto-immunes ou inflammatoires qui s’accompagnent d’une monocytose réactionnelle. Dans ce contexte, la CMF apporte une aide non négligeable, grâce à des panels qui ont été spécifiquement développés. Ainsi, en cas de syndrome inflammatoire associé pouvant gêner l’interprétation du profil immunophénotypique, la mise en évidence d’une diminution du pourcentage relatif des monocytes non classiques exprimant le marqueur slan, inférieur ou égal à 1,7 %, permet d’orienter vers le diagnostic de LMMC.
De fait, la CMF est aujourd’hui devenue un examen extrêmement utile en consultation, devant un patient qui présente une monocytose mal comprise.
La cytogénétique pour confirmer le diagnostic et établir le pronostic
Le caryotype médullaire permet d’exclure une translocation t(9;22)(q34;q11) évoquant une LMC.
En présence d’une éosinophilie, il permet d’exclure en association avec une technique FISH, les réarrangements PDFGRA / PDFGRB / FGFR1 et la fusion PCM1-JAK2.
Enfin, il permet de retrouver des anomalie(s) clonale(s) (dans moins de 30 % des cas) associées à un risque élevé (trisomie 8, ano chr 7 ou caryotype complexe), à un risque faible (caryotype normal ou perte isolée de l’Y) ou à un risque intermédiaire (autres anomalies).
Aujourd’hui, la LMMC dispose de classifications cytogénétiques propres : la classification européenne (privilégiée en France) a la particularité de considérer les trisomies 8 comme des anomalies de mauvais pronostic. Il convient désormais de disposer de ce critère, sur lequel s’appuie (entre autres) le score pronostique CPSS (CMML Pronostic Score System), le plus simple à utiliser en pratique clinique de l’ensemble des scores « modernes » validés dans la LMMC (GFM, Mayo, CPPS-mol).
Ce score repose sur les valeurs de la blastose médullaire, la leucocytose, l’existence ou non d’une dépendance transfusionnelle érythroïde, les données cytogénétiques et les données moléculaires (statut des gènes ASXL1, NRAS, RUNX1 et SETBP1) ; il distingue quatre groupes, avec des survies médianes variant de 5 à 72 mois.
L’analyse moléculaire pour le diagnostic, le pronostic et à visée théranostique
La recherche des mutations d’intérêt est proposée au laboratoire Eurofins Biomnis par technique de séquençage haut débit (NGS) sur un panel de 19 gènes ciblés :
ASXL1/CBL/DNMT3A/EZH2/FLT3/IDH1/IDH2/JAK2/KRAS/NPM1/NRAS/RUNX1/SETBP1/SF3B1/SRSF2/TET2/TP53/U2AF1/ZRSR2
Ce panel peut être réalisé sur sang ou moelle osseuse. Il présente un triple intérêt diagnostique, pronostique et théranostique.
- Selon l’OMS 2017, l’analyse des gènes TET2, SRSF2, ASXL1 et SETBP1 peut participer au diagnostic de LMMC (critère 5 de l’OMS 2017 en association avec les critères 1 à 4), en particulier en l’absence de données cytogénétiques contributives. En pratique, la détection de mutations sur TET2 et SRSF2 est très évocatrice d’une LMMC.
A noter qu’en présence d’une mutation dans les gènes NPM1 et/ou FLT3, le diagnostic est à rediscuter entre une LMMC-2 et une LAM-M4 (reconsidérer le pourcentage de blastes dans la moelle, en-deçà ou au-dessus de 20 %). - Ce panel apporte également une aide pronostique et une aide au choix thérapeutique.
Selon les recommandations ELN 2018, un panel minimum de 4 gènes est obligatoire (gènes à haut risque d’évolution défavorable : ASXL1, NRAS, RUNX1, SETBP1). - L’impact théranostique est également abordé avec ce panel au regard des mutations IDH1, IDH2, NPM1 et FLT3, rares, mais qui constituent des cibles thérapeutiques potentielles.
Panels NGS : Leucémie myélomonocytaire chronique (LMMC) (DS71)